Nick est l'archétype du pauvre mec : inculte, fainéant, hypocrite, pleutre, lâche....
Afin d'assurer ses mandats, il ne se positionne jamais, n'arrête personne et distribue les poignées de mains à la sortie de l'église. Mais deux souteneurs, une maîtresse excitée, une femme hystérique, un beau-frère attardé et une amante convoitée vont obliger Nick à changer ses méthodes. La descente aux enfers peut commencer.

Jim Thompson nous propose un roman noir, très noir. Ici, les plus vils instincts sont presque banalisés, excusés. C'est également une critique amère de la société américaine : des rapports qu'elle entretient avec la loi, de dieu, des conventions, du racisme primaire et ouvertement affiché.
Pour donner encore plus de force au récit, Jim Thompson s'exprime à travers le personnage de Nick Corey. Avec sa syntaxe approximative, son langage familier et vulgaire, Nick nous détaille l'histoire par le menu. Et l'on en vient à se demander s'il est aussi stupide qu'il ne voudrait nous le faire croire.

Mais la fin! Qu'est-ce que c'est que cette fin? J'ai eu l'impression que l'éditeur avait oublié d'imprimer les dernières pages. Mais non, Jim Thompson finit son roman comme il nous l'a raconté : abruptement. J'ai trouvé ça particulièrement frustrant.

Extrait :

Toujours est-il que, le moment venu de voter, les électeurs se rendaient bien compte qu'en élisant mes concurrents, ils n'auraient plus beaucoup l'occasion de rigoler. Tout ce qu'un type aurait le droit de faire sans risquer d'être expédier au violon, c'était de boire de la limonade et peut-être d'embrasser sa femme. Ce qui ne leur disait pas grand-chose, aux gars. A leur femme non plus, d'ailleurs.
Si bien qu'à la réflexion, les électeurs ne voyaient pas la nécessité de me débarquer. Ce qui revenait à dire, au fond, que mieux valait rien du tout que quelque chose, vu qu'il suffisait de me regarder et de m'écouter un moment pour se rendre compte que je ne suis pas homme à m'insurger contre quoi que ce soit - sinon ne plus toucher ma paie - et que je n'aurai jamais assez de cran pour passer à l'action, même si l'envie m'en prenait. Je laisserais tout bonnement pisser le mérinos sans chercher à changer quoi que ce soit, parce que je n'en voyais pas l'utilité. Et finalement, le moment venu de compter les voix, je me retrouverais toujours shérif.

1275 âmes
Éditions Folio - 248 pages