Sans trop savoir quelles sont ses réelles motivations, il décide alors de se rendre sur les lieux du crime. Arrivé devant la maison du délit, il rencontre Raquel, jeune prostituée hongroise, victime des mêmes hallucinations. Et si le fantôme de Lidia Garetti, la proprétaire des lieux, morte sous la torture, était sortie des limbes pour leur demander de l'aide?
Sur la porte d'entrée de la résidence, un vers de l'Enfer de Dante : "Laissez toute espérance vous qui entrez", à l'intérieur, des portraits étranges, un médaillon en forme d'araignée, un aquarium, une statuette et des livres de poésie à foison.
Salomon et Raquel ne s'attendaient sûrement pas à ce qui allait suivre. Comment auraient-ils pu deviner que leur découverte était une boîte de Pandore. Autour d'eux, les événements vont s'accélérer. Ils ont réveillé les 13 Dames, muses et inspiratrices des poètes depuis l'antiquité.

José Carlos Samoza crée dans ce roman une mythologie de la poésie. Et si les mots étaient réellement source de pouvoir? Si derrières les poèmes que nous lisons depuis l'enfance se cachaient des formules magiques? Si les textes de Paul Valéry, de William Blake ou de Federico Garcia Lorca ouvraient des territoires inconnus et effrayants?
Elles sont 13 à connaître le secret des mots et à l'utiliser depuis des siècles au détriment des humains. Mais une guerre intestine va les obliger à sortir de l'ombre et à dévoiler une partie de leur mystère.

Âmes sensibles s'abstenir ! José Carlos Somoza explore dans ce récit les méandres de la magie noire, des rituels sacrificiels, et les descriptions des corps et des tortures sont à la limite du soutenables. Pourtant, rien ne paraît gratuit, artificiel ou simplement racoleur. La violence des déchéances physiques est à la hauteur de l'horreur qui se trame dans les mots. En exergue de mon blog, je vous dis que "les livres nous chuchotent des secrets faits pour être partagés". Mais si ces secrets permettaient en fait de détruire, de prendre le pouvoir, d'infliger les pires tortures? En lisant ce roman, on ne peut s'empêcher de repenser à tous les poèmes que l'on a pu lire, et l'on se met à les craindre et à redouter leur puissance.
La structure du récit s'adapte tout à fait au propos : le texte se répète comme des rayures dans la narration et donne au lecteur l'impression de lire des mantras aux effets obscures.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un roman fantastique contemporain avec autant de délectation et d'angoisse mêlées. Bien sûr, le choix du titre peut déconcerter et laisser une impression de frustration à la fin de la lecture. Car le traitement de la treizième dame semble anecdotique dans le récit. Pour autant, cela ne m'a personnellement pas gênée, car j'ai trouvé dans les mots de Samoza plus que je ne m'y attendais.
A conseiller à tous les amateurs de fantastique et de mots.

Du même auteur : Le détail, La théorie des cordes, Clara et la pénombre, La bouche, Daphné disparue, La clé de l'abîme, L'appât

Par Laurence


Comme le dit Laurence dans sa présentation, en lisant ce roman, on tombe dans le fantastique, l’étrange, comme dans un puits sans fond.

Dès l’apparition des premiers cauchemars, le lecteur perd pied. Il ne sais plus où se trouve la frontière ténue entre la réalité et le fantastique, l’irréel. Comme les personnages, on entre sans crier gare dans une autre dimension. Le lecteur est pris dans la toile d’araignée, dans les rets des Dames. Ils ne peuvent aller que de l’avant, aller là où elles les mènent comme des marionnettes.

Même si certaines scènes descriptives de sacrifices, de tortures sont insupportables (j’ai passé quelques lignes par endroits), le lecteur est pris dans l’engrenage. Une seule solution s’offre à lui : aller au bout du roman, des épreuves. Il devient impérieux d’en apprendre plus sur cette fameuse dame n° 13 – pas si exceptionnelle que cela, au final – et si Salomon et ses acolytes vont enfin sortir de ce cauchemar.

J’aurai aimé un peu moins de scènes de tortures, de sacrifices mais cela conforte les personnages des dames. L’usage de la poésie n’est pas toujours beau à voir dans ce roman. Je m’étais attachée à Raquel et suis restée sur ma faim avec sa disparition brutale de la scène. Suite à toutes les péripéties où l’auteur a amené son lecteur, je trouve qu’il le lâche un peu vite.

J’avais déjà été dérangée par la lecture d’un autre roman de Somoza – Clara et la pénombre – tant l’auteur maîtrise à la perfection de verbe dans ses descriptions de la manipulation, de la perversion, de profils psychologiques. Ne pas oublier que Somoza a une formation de psychiatre et cela se sent. En fermant ce livre, on réfléchira par deux fois avant de prononcer quelques vers de poésie. Nul ne sait ce qu’ils risquent de provoquer une fois passés la barrière des lèvres.

En ouvrant ce roman, songez au vers de L’enfer de Dante : "Laissez toute espérance vous qui entrez". Vous n’en sortirez pas indemne.

Par Dédale


Extrait :

Une terreur inexplicable, presque inexistante, presque virtuelle, lmui glaça le sang et les poils sur sa peau se hérissèrent comme de petites palissades. Il comprit que sa nervosité ne reposait sur aucun motif réel.
C'est absurde, je ne rêve pas. Je suis éveillé, je suis chez moi et derrière ce rideau il n'y a rien, juste la baignoire.
Il renouvela le geste en sachant que les choses étaient comme avant, qu'il trouverait, peut-être, un objet tombé par terre, peut-être un flacon de gel douche et que, après avoir vérifié, il regagnerait la chambre, les somnifères lui feraient de l'effet et il parviendrait à se reposer toute la nuit jusqu'à l'aube. Il ouvrit le rideau en toute tranquillité.
Il n'y avait rien.
Le flacon de gel de douche était toujours à sa place sur le support, à côté du shampooing. Les deux flacons se trouvaient là depuis des mois : Rulfo n'était pas précisément un maniaque de l'hygiène. Mais rien n'était tombé, c'était certain. Il supposa que le bruit provenait d'un autre appartement.
Il haussa les épaules, éteignit la lumière de la salle de bains et regagna la chambre. Sur son lit se trouvait le corps démembré de la femme morte, la tête coupée appuyée sur sa poitrine le contemplant de ses yeux laiteux, les cheveux d'un noir bleut" et humide comme le plumage d'un colibri et un ver gorgé de sang s'échappant des commissures de ses lèvres rigides.
- Aide moi. L'aquarium... L'aquarium...
Rulfo fit un bon en arrière, raide de terreur et se cogna le coude contre le mur.

un cri

Il ne rêvait pas : il était bien éveillé, c'était sa chambre et le coup qu'il s'était donné au coude lui avait fait mal. Il essaya de fermer les yeux

un cri. Obscurité.

et de les rouvrir, mais le cadavre de la femme était toujours là (aide moi), lui parlant depuis le massacre de son corps dépecé (l'aquarium) sur les draps.

Un cri. Obscurité.
Il se réveilla en sueur. Il gisait à terre, avec une bonne partie des draps. En tombant du lit, il s'était cogné au coude. Il tenait encore l'ouvrage aux pages froissées de Virgile.

la dame numero 13
Éditions Actes Sud - 424 pages