La ligne de défense de ces "enfants du massacre" est imparable : tous reconnaissent individuellement avoir été présents au moment des faits, mais chacun affirme qu'il n'a rien vu et que ce sont les autres qui ont agi.
Face à ce mutisme collectif, Duca cherche un détail infime qui lui permettrait de comprendre l'origine de cette folie.

A travers cette histoire, Giorgio Scerbanenco nous interroge sur le poids de l'hérédité et du destin. A-t-on le droit à une seconde chance? ou est-on condamné à reproduire les schémas familiaux? Ces enfants, que la société exclut, ont-ils d'autres choix que la violence?
Duca est à la fois tendre et cruel. Malgré ses apparentes certitudes, on perçoit des failles dans la carapace. L'auteur en profite d'ailleurs, pour brosser dans ce roman, une critique féroce des méthodes policières.
De ce huis-clos va émerger la vérité qui n'apporte pourtant aucune sérénité au policier. Et ce sont sans doutes ces dernières lignes qui m'ont le plus interpellée.
Cependant, et pour être tout à fait honnête, deux choses m'ont gênée au cours de la lecture. Tout d'abord, la description et l'interprétation de l'homosexualité (mais cela s'explique peut-être par la vision que l'on en avait à l'époque de la publication de cet ouvrage). L'autre point d'achoppement réside dans le style lui-même que j'ai trouvé parfois trop appliqué et suranné.
Cela reste cependant un bon moment de lecture.

Extrait :

"Il se mit alors à "éplucher" soigneusement ses notes, tout en remontant les revers de son veston car un froid glacial envahissait maintenant la petite pièce. Pour entre eu Cours, les garçons devaient sonner, - le soir seulement, bien sûr. La gardienne venait aussitôt leur ouvrir, et pouvait ainsi savoir qui était entré. De fait, il ressortait de son témoignage que, le soir du crime, elle avait vu passer onze garçons. Onze garçons classés d'après leur âge dans les notes de Duca, et dont il avait relevé les noms en les faisant suivre, chacun de quelques détails essentiels.[...]
C'étaient là les acteurs de l'horrible nuit du crime, les enfants du massacre. La gardienne du Cours, dont la bonne fois ne pouvait être suspectée, avait affirmé qu'ils étaient arrivés un peu avant sept heures du soir, et elle avait au reste signé le double de sa déclaration. On les avait interrogés : le système de défense de ces onze gredins avait été aussi simple que puéril, chacun d'eux affirmant qu'il n'avait rien fait, que ce n'était pas lui, que c'étaient les autres qui avaient molesté et frappé la maîtresse. Les services de l'Identité judiciaire avait relevé toutes les empreintes possibles et imaginables, et l'on ne tarderait guère à savoir dans quelles limites il conviendrait de circonscrire rationnellement les recherches. Mais avant que n'arrive, à dix heures du matin, le juge d'instruction, Duca voulait les interroger personnellement et, surtout, les bien regarder en face."

les enfants du massacre
Éditions 10/18 - 277 pages