Chaque décennie qui sépare 1972 de 2002, laisse la paroles à cinq narrateurs, différents d'un décade à l'autre. Au fil de ces journaux intimes, de ces concerts de voix entremêlées, on devine les désirs, les frustrations et les rancœurs. Et puis, doucement, on reconstitue la trame de cette intrigue; on devine qu'untel, en 1992 est le fils de tel autre narrateur de 1972.

Face à l'immensité de ces étendues d'eau, les personnages se dévoilent, sans fard ou faux semblant. On ne ment pas à l'océan.
Le lecteur est pris dans le flot de ces pensées. Comme une toile impressionniste, c'est en rassemblant les détails infimes, les taches et couleurs disparates que le motif apparaît. Il faut s'imprégner que chaque témoignage, de chaque timbre de voix, de chaque destin. Une fois empli de toutes ces existences, comme quand on admire un tableau, on peut alors s'en éloigner pour prendre la dimension de l'œuvre et recevoir sa force en plein cœur.
Au milieu de cette toile d'humanité, Jean-Philippe Blondel, dont c'est ici le premier roman, inscrit déjà sa patte : l'écriture de l'éphémère, du sentiment et de la générosité, sans aucune mièvrerie ou attirail facile.
Non, simplement la justesse des mots au service des personnages.

Une très jolie chronique au multiple visages.

Par Laurence


Au premier abord, on pourrait croire que l’on plonge dans un recueil de souvenirs de vacances : la plage, le soleil, un club mickey. Un journal à plusieurs voix.

Pourtant tout n’est pas si lumineux. Avec humanité, l’auteur nous présente ses personnages avec leurs bons et mauvais travers. La compassion joue et l’on s’attache à ces personnages (enfin, presque tous).
Jean-Philippe Blondel parle de la vie, avec ses espoirs, ses désespoirs, les joies et les drames. Ces portraits sont ajoutés un à un comme des perles de couleurs différentes sans que l’on sache vraiment quelle allure aura le collier final. On est aussi pris par la petite ritournelle fascinante, captivante de ces vies qui se croisent et s’entrecroisent ; Pris dans la douceur de la petite musique d’écriture de l’auteur. La partition va se jouer subtilement. Et l’auteur orchestre le tout à merveille.

Dédale


Ne ratez pas l'interview exclusive de Jean-Philippe Blondel.

Du même auteur : 6h41
This is not a love song, Un minuscule inventaire, 1979, Juke Boxe, Passage du gué, Un endroit pour vivre, À contretemps, Le Baby-Sitter, Au rebond, G229, Et rester vivant

Voir aussi les avis de Papillon, Kalistina, Sophie, Amandine, Jo Ann v., Frisette ou Tamara

Extrait :

Je suis allé deux fois à la mer.
Je me suis senti ridicule avec mon pantalon, ma chemise, mes chaussures et mon béret. Je me suis un peu demandé ce que je faisais là. Une petite fille est venue me demander pourquoi j'étais habillé comme ça, je lui ai répondu que c'était parce que je ne restais pas longtemps. Alors, je ne suis pas resté longtemps. La deuxième fois, j'ai sorti une serviette de l'armoire de la chambre et je me suis installé dessus. J'ai enlevé mes chaussures. Le contact du sable était désagréable. Et puis l'étendue d'eau devant me mettait mal à l'aise.
Ce n'est pas que je n'aime pas ça, c'est juste que je n'ai pas l'habitude.

Je viens des montagnes. J'ai toujours vécu dans les montagnes. Je connais tous les recoins, je connais le chant de la brume quand elle s'infiltre dans les bergeries, j'entends les appels du printemps et de l'hiver et je sais quelles roches risquent de s'effondrer dans les années à venir. Je peux saisir l'angoisse des poules à l'approche du renard. Je reconnais l'appel à l'aide de la vache qui va vêler.
Mais le bruit de l'océan me désoriente.
Je ne suis jamais allé à la mer.

couverture
Éditions Pocket - 118 pages