La voix de Claude Piéplu envahit l'habitacle. Il nous présente un artiste sur scène que tout le monde applaudit. Cet homme vient de recevoir un prix pour l'ensemble de son œuvre.
Est-il peintre? musicien? écrivain? Qu'importe ! le fardeau reste le même : comment et qui remercier à une telle occasion?

Daniel Pennac se penche sur le genre du remerciement et la polysémie de ce petit mot. Rien n'est plus simple ni plus compliqué que de dire "Merci".

Peu à peu, cet étrange monologue prend forme et on reconnaît l'humour caustique, précis et ciselé de Daniel Pennac. Si bien que je riais toute seule dans ma voiture, face au regard interloqué des automobilistes qui m'entouraient.
Mais Pennac va au-delà du rire, pour nous entraîner aux sources de la création, et l'émotion est alors à son comble.

Ce livre, écrit comme un long monologue, pourraît tout à fait être adpaté en one-man-show. Mais quel acteur, depuis que Claude Piéplu n'est plus, aura les épaules suffisamment solides pour être à la hauteur de ce texte?
Une dernière précision : dans la pochette du C.D., est disponible une courte interview de Daniel Pennac expliquant la génèse de cette œuvre à part.

Du même auteur : Comme un roman, Le Dictateur et le Hamac , L'œil du loup et Chagrin d'école

Extrait :

- Le lauréat remercie d'abord le premier cercle : les notables, les importants, le jury, sans qui la récompense ne lui aurait pas été attribuée; puis le deuxième cercle : le public, vous en l'occurrence, qui êtes ici à vous réjouir pour moi, ce soir, et c'est très gentil à vous, vraiment, je vous en remercie, ça me... puis le troisième cercle : l'"équipe", sans laquelle son œuvre ne serait pas ce qu'elle est : "je tiens surtout à remercier mon équipe...", "tous ceux qui...", "tous ceux grâce à qui mon...", "tous ceux sans qui je n'aurais pas pu...", "je leur offre ce..."

Il brandit un invisible trophée.

- Il est rarissime qu'un lauréat ne remercie pas son équipe.

Une petite parenthèse :

- Ce qui nous change beaucoup des ministres. Un ministre ne parle jamais au nom de son équipe : "Depuis que je suis entré aux Finances - à l'Intérieur, à la Justice, à l'Éducation, à la Culture - j'ai fait en sorte que... je me suis battu pour... j'ai également demandé à mes services de me... Et dès que j'ai su que... J'ai pris la décision qui s'imposait."

Un temps.

- Un ministre n'attend jamais qu'on le félicite; il se félicite lui-même. Grammaticalement parlant, le verbe féliciter utilisé au sens pronominal direct : se féliciter - et à la seule première personne du singulier ! - est exclusivement ministériel. "Et je m'en félicite !".

couverture couverture-cd
Éditions Gallimard - 127 pages ou Éditions Écoutez-lire