Dans ce roman-chorale, découpé en 6 témoignages, Héléna Marienské expose le quotidien des pensionnaires d'une maison de retraite un peu particulière : il y a la bonne bourgeoise, l'écrivaine homosexuelle incomprise, un académicien en déroute, des mafiosi, un gagnant du loto, un clone de Sarkozy... et un singe.
Au sein de ce microcosme, reproduction de notre société, tout ce petit monde passe le temps et l'ennui comme il peut. Entre luttes intestines et orgie, ça copule sévère dans les couloirs de l'hospice.

Et pendant ce temps là... moi je m'ennuyais de plus en plus.
Passé le premier témoignage qui avait réussi à éveiller mon intérêt, j'ai suivi avec de plus en plus de distance et de lassitude les épisodes scabreux de nos octogénaires. Et que tout cela soit enrobé dans des « citations anamorphosées » de grands écrivains, n'a rien changé à l'affaire.

Je me suis pourtant retenue d'abandonner ces vieux cochons puisque l'on m'avait dit que tout le récit prenait une nouvelle dimension dans les derniers chapitres.
Effectivement, l'arrivée en scène de Witlod propose un nouvel éclairage intéressant de l'intrigue et de nos sociétés. Quant à l'ultime chapitre, intitulé « Moi », envolée apparemment métaphysique, il m'a laissé face à mes incompréhensions. J'ai beau l'avoir relu, je n'ai toujours pas saisi la pseudo-métaphore.

Je reste donc plus que dubitative...
Même si le propos du récit m'a semblé à posteriori intéressant, je suis restée froide face à une mécanique qui souffre pour moi de longueurs inutiles et indigestes.
Un court roman aurait bien assez satisfait la lectrice que je suis.
Mais la lectrice que je suis ne doit pas avoir compris ce que devait être « La Littérature », puisque ce roman a été récompensé par pas moins de 3 prix (Prix du 15 minutes plus tard, Mention spéciale Prix Wepler et Prix Madame Figaro), et encensé par toutes les critiques au moment de sa sortie. Ils ont même salué la verve et l'écriture primesautière d'Héléna Marienské, à me demander si j'ai lu le même roman qu'eux...

Extrait :

La postérité s'occupera de mes manuscrits, je n'en doute aucunement. Lectrices dans cinq cents ans (car je ne veux que des lectrices), saurez-vous retrouver ces blocs à peine ciselés de ma main désinvolte dans la gangue fétide que fut mon « contexte littéraire », jamais mieux nommé? Car il y a bien longtemps que l'on ne publie plus que de la merde, chez nous. La France, qui compte presque autant d'écrivains que d'habitants, est devenue une véritable fosse à purin. On suffoque.
Je confesse avoir beaucoup de vices (car seul le vice possède quelque efficacité en ce monde), mais non celui de la scatophilie. Ayant l'estomac fragile, je m'abstiens de toute lecture depuis plusieurs décennies.
Comment parler même de décadence, dans ce XX° siècle si pauvre en talents authentiques – je ne dis pas génies, il n'y en eut guère. Proust savait faire, soit. Céline avait des couilles, et les mettait sur la table. Il cherchait les ennuis. Et le Sartre des Mots n'était pas sans astuce. Et puis... Et puis, rien. Le reste n'existe pas. Bon, Perec, pourquoi pas (et encore : j'ai relu, il y a quelques années. Un certain sens de la construction, soit. Mais des faiblesses, tout de même, des facilités, un défaut d'information impardonnable...).
Depuis, le roman est mort. Il n'a pas résisté à la vague bien creuse du « nouveau ». Il est devenu ignoble et répugnant. Vérole, galopante vérole des mégoteurs autour de ce rien qui devait suffire à faire LE livre arrimé sur la très phallique « force du style », vérole des raconteurs d'eux-mêmes, des contemplateurs de leur Moi si original, pire, des observateurs de leurs désastres. Ignominie, surtout, de l'autofiction pleurnicharde, indigeste et faisandée... Au diable ! Je sais pourtant qu'il faut, qu'il faudra encore quelque temps des Confessions aux peuples idolâtres. Ironiquement je livre celle-ci, plus ou moins dans le goût du jour, et bricolée à la hâte : pourquoi se fatiguer? Plus personne ne prend le temps de lire.
Du rapide et du simple.
J'exècre le temps des décérébrés.

couverture
Éditions P.O.L. - 317 pages