Ce classique raconte l’histoire à la fois banale et incroyable de S.T. Garp dans une période des Etats-Unis particulièrement marquée par le réveil du féminisme représenté ici par sa mère, Jenny Fields. Le livre suit l’histoire de Garp obstiné à devenir écrivain, de sa mère, de sa femme Helen, de ses enfants Duncan, Walt et Jenny, de ses amis Charlotte, Roberta Muldoon, John Wolf et les Fletcher. L’histoire nous est livrée un peu comme le ferait un biographe, en montrant jusqu’à quel point tout est dans tout et que l’accumulation de gestes insignifiants peut toujours faire basculer la vie au moment où on s’y attend le moins. C’est à la fois une réflexion sur la littérature, les relations de genre, les Etats-Unis, les relations intergénérationnelles et le poids du destin.

Le monde selon Garp est un tel classique et une œuvre tellement touffue qu’il me semble difficile d’en faire un commentaire. J’ai accroché à la page 96, vraiment embarqué dans le récit à la page 200. C’est vraiment une œuvre intelligente, finement ficelée, tout se tient, rien n’est incohérent, mais c’est tout de même parfois un peu long. Je crois que j’ai de plus en plus de mal avec le roman qui foisonne de détails, et celui-ci en déborde de tous les côtés.

Mais au-delà de mes petites réserves bien inutiles, le profil psychologique des personnages est tellement précis, cohérent et intelligent que tous les épisodes s’emboîtent les uns dans les autres par un mécanisme invisible mais parfaitement maîtrisé. Attachantes aussi, toutes ces nombreuses personnalités. La relation entre Garp et Helen m’a particulièrement touchée, une relation d’une grande complicité, mais aussi d’un immense respect et d’une écoute incroyable, et ce malgré les faux pas qui auraient pu être si banals mais finissent par avoir des conséquences tellement dramatiques.

Un livre fait à la fois de lumière et d’horreur. Comme la vie je suppose. Un livre de vie, je crois que c’est de ça dont il s’agit.

Et comment choisir un extrait… ouf ! J’ai choisi celui-ci pour le ton, au cas où je ne serais pas la dernière au monde à lire ce roman et à découvrir son humour unique !

Du même auteur : Une veuve de papier

Par Catherine

Extrait :

Dans les pages jaunes de l’annuaire téléphonique de Garp, «Mariages» figurait non loin de «Menuisiers». Avant «Menuisiers» venaient «Machines», «Maisons de vente par correspondance» et, enfin, «Mariages et conseillers matrimoniaux». Garp cherchait «Menuisiers» quand il tomba sur «Mariages» ; il avait un problème d’étagères et voulait téléphoner pour se documenter, lorsque le mot «Mariages» accrocha son regard, suscitant aussitôt d’autres questions, plus intéressantes et plus troublantes. Garp ne se serait jamais douté, par exemple, qu’il y avait davantage de conseillers matrimoniaux que de menuisiers. Mais tout dépend sans doute de l’endroit où l’on vit. À la campagne, les gens s’intéressent peut-être davantage aux planches.

Garp était marié depuis bientôt onze ans ; pendant cette période, il n’avait jamais eu besoin de planches, et encore moins de conseils. Ce n’était pas à cause de problèmes personnels que Garp s’intéressait à la longue liste de noms dans les pages jaunes de l’annuaire ; c’était parce que Garp passait un temps considérable à essayer d’imaginer ce qu’il éprouverait s’il avait un emploi.

couverture
Éditions Points - 678 pages