"La rêveuse d'Ostende", comme "Odette toulemonde" est un recueil de nouvelles, ou plus exactement une suite de courts romans.

Le premier récit a donné son nom à l'ensemble. Dès les premières lignes, la mélodie de Brel est venue accompagner ma lecture. "Une ostendaise, seule sur sa chaise...."
Anna Van A., la logeuse du narrateur-écrivain, passe ses journées dans un fauteuil roulant au coeur de sa bibliothèque. Ses proches vous diront qu'elle n'est qu'une vieille fille dont l'existence fut désespérément vide. Pourtant, le narrateur est persuadé qu'elle dissimule une histoire d'amour passionnelle. Qui est réellement Anna Van A.? Une amante débridée ou une affabulatrice?

Dans Crime parfait, nous suivons le procès de Gabrielle de Sarlat. Alors qu'elle et son mari formait le couple parfait, Gabrielle l'a précipité du haut du falaise lors d'une randonnée. Si tout le monde, ou presque, est persuadé de son inocence, Gabrielle elle-même ne comprend plus très bien ce qui avait motivé son geste.

Une autre femme, une autre amoureuse, est au centre de La guérison. Stéphanie, complexée par ses kilos superflus, va découvrir le désir des hommes. Et qu'importe si celui qui lui permet de faire cette découverte est un aveugle paralytique.

Dans son avant dernier récit, Éric-Emmanuel Schmitt nous met en garde : il y a parfois de Mauvaises Lectures... Des lectures dangereuses, pernicieuses... Vous ne le croyez pas? Demandez à Maurice et Sylvie, les deux protagonistes de cette histoire, ce qu'ils en pensent...

Enfin, dans La femme au bouquet, Éric-Emmanuel Schmitt se joue de notre imagination. Il ouvre une boite de pandore et laisse au lecteur le soin de créer sa propre interprétation du mystère.

Cinq récits sur le pouvoir de l'imagination, cinq variations sur le thème du rêve et du fantasme.
Mais je vous entends déjà.... Vous vous demandez si oui ou non j'ai renoué avec l'univers d'Eric-Emmanuel Schmitt...
À vrai dire, je sors de cette lecture plutôt mitigée. Si j'ai aimé l'humour des Mauvaises Lectures et l'éveil des sens proposé dans La guérison, je reste plus plus dubitative face aux autres histoires.

J'en suis donc venue à me demander pourquoi un même écrivain pouvait déclencher chez moi des réactions aussi diverses.
Ce qui me séduit chez Éric-Emmanuel Schmitt , autant le dire, ce n'est pas sa plume. En effet, l'écriture est souvent sobre, dépouillée, voire parfois assez plate.
Non, ce que j'aime chez lui, c'est la construction de ses intrigues, l'humanité et la générosité qu'il arrive à insuffler à ses histoires, ou encore l'originalité du point de vue adopté.
Or, La rêveuse d'Ostende, Crime parfait et La femme au bouquet m'ont paru trop prévisibles, convenus voire faciles.
Cette nouvelle rencontre ne fut donc pas celles de nos pleines retrouvailles, à mon grand regret d'ailleurs...

Du même auteur : L'enfant de Noé, La nuit de Valognes, La part de l'autre, Le visiteur, Le baillon et L'école du diable, Lorsque j'étais une œuvre d'art, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Odette Toulemonde, Oscar et la dame en rose et L'évangile selon Pilate

Extrait :

- Ne bouge plus, je vais prendre un livre ! s'exclama Sylvie.
Maurice maîtrisa son irritation car il voulait réussir ses vacances; cependant, en pensée, il fusilla la malheureuse. Se procurer un livre dans un supermarché! Avait-il, une seule fois dans sa vie, acquis un livre, un seul, dans un supermarché? Un livre, c'était un objet sacré, précieux, dont un découvrait d'abord l'existence au sein d'une liste bibliographique, sur lequel on se renseignait, puis, le cas échéant, qu'on convoitait, dont on écrivait les références sur un papier, qu'on allait chercher ou commander chez un libraire digne de ce nom. En aucun cas, un livre ne se cueillait au milieu des saucisses, des légumes et des lessives.
- Triste époque..., murmura-t-il entre ses lèvres.
Sans complexe, Sylvie gambadait parmi les piles ou les tables de livres comme s'ils étaient appétissants. D'un regard rapide, Maurice constata qu'il n'y avait, naturellement, que des romans et, à l'instar d'un martyr, il attacha ses yeux au plafond en attendant que Sylvie achevât de renifler telle couverture, humer ce volume, soupeser celui-là, feuilleter l'intérieur des pages comme si elle vérifiait que la salade n'était pas terreuse.
Soudain, elle poussa un cri.
- Extra ! Le dernier Chris Black!
Maurice ignorait qui était ce Chris Black qui déclenchait un préorgasme chez sa cousine et dédaigna prêter attention au volume qu'elle jeta sur l'amoncellement de provisions. - Tu n'as jamais lu Chris Black?

couverture
Éditions Albin Michel - 331 pages