Commence alors pour Véra une enquête qui aura des conséquences sur la carrière d’Antoine et leur vie de couple : que faisait Antoine dans un musée, lui qui est plus attiré par les voyages d’affaires que par le milieu de l’art ? Et qui est vraiment cette Louise Rotheim, qu’Antoine essaie de lui cacher ?

Ce roman est assez réjouissant : une intrigue qui démarre comme une enquête policière mêlée de fantastique, avec la résurrection d’Antoine, une plongée dans le milieu de l’art, mais surtout une intrusion au sein de l’histoire familiale d’Antoine que Véra va découvrir peu à peu, au grand dam de sa vie de couple. On passe ainsi du Paris du XXIème Siècle aux pensions d’avant-guerre, où les étrangers et les plus pauvres éprouvaient de grandes difficultés à se loger. Et c’est au cœur de cette pension que se noue l’intrigue…

On assiste également à la lente destruction du couple d’Antoine et de Véra, que les secrets ont minés.

L’écriture est léchée, et, au niveau du rythme, François Vallejo réalise une belle prouesse : il change constamment de point de vue, le narrateur change sans arrêt, sans toutefois perdre le lecteur. Et lorsqu’il s’arrête longtemps sur un personnage, il parvient, subtilement, à changer le point de vue sans que le lecteur le réalise immédiatement.

Le récit est truffé de références aux films de Hitchcock, dont Antoine est un fervent admirateur. Et bien sûr, on y rencontre Chaïm Soutine, dont l’œuvre picturale est un des piliers de l’intrigue. D’ailleurs, pour ceux qui en ont l’occasion, la Pinacothèque de Paris consacre jusque fin janvier 2008 une exposition à Chaïm Soutine, peintre proche de l’école de Paris des années 20-30, avec Chagall ou Modigliani.

Une belle découverte avec cet auteur, que je vous conseille très fortement.

François Vallejo a reçu pour ce roman le prix des libraires en 2004, avant de recevoir le prix du livre Inter pour Ouest.

Du même auteur : Métamorphoses, Le voyage des grands hommes, Ouest, Madame Angeloso, L'incendie du Chiado, Vacarme dans la salle de bal, Les sœurs Brelan
Lire l'interview de François Vallejo pour le Biblioblog

Par Yohan

Extrait :

Véra allait décider de parler, c’était le moment, Véra, déballe ton histoire. Si tu ne le fais pas maintenant, tu ne le feras jamais. C’est si simple de parler, ça devrait être si simple : des milliards de mots s’échangent à cet instant sur toute la planète, un gigantesque babil, imaginez la quantité de parlotes, vaines ou grandioses, ce n’est même pas mesurable, en kilos, en mètres ou en décibels. Il faudrait inventer une mesure spécifique, une échelle de Richter de la parole : à quelle densité de babil en sommes-nous à cet instant, sur toute la terre, dans toutes les langues ? Le plus fort : rien ne s’embrouille, aucune saturation possible, aucun embouteillage, on continue, on parle, on chante, on s ‘engueule, on murmure, toute la planète, ça coule facile, et Véra Carmi, dans son appartement de la Convention, se tait et non seulement se tait mais ne parvient pas à ouvrir la bouche pour dire tout bêtement : tu ne me croiras jamais, tout à l’heure le Centre Pompidou m’a convoquée pour m’annoncer ta mort et, finalement, c’est trop drôle, ta résurrection. Personne, de nos jours, ne serait assez crédule pour accepter une nouvelle pareille. Pourtant, j’ai traversé Paris depuis la rue de la Convention pour découvrir que tu étais mort et encore vivant. Avoue que ce n’est pas ordinaire dans un couple ordinaire.

couverture
Éditions Viviane Hamy - 256 pages