Ce petit livre de 125 pages est un véritable uppercut. Une histoire qui vous percute de plein fouet sans crier gare, par son sujet toujours aussi délicat qu'est la mort et par le style utilisé par l'auteur. Un choc ! Mais quel choc !

Frédéric est un jeune de 17 ans, hospitalisé en phase terminale d'un cancer des os. Il nous livre ses pensées sur la vie, la mort, sa famille, le bon Dieu en lequel il ne croit absolument pas, ses amis du dehors sains et ceux de l'hôpital, eux aussi gravement malades. Malgré les sujets graves abordés, rien n'est traité de façon triste mais plutôt avec une lucidité bien campée, un cynisme dur comme un coup de scalpel. Il en ressort une philosophie toute teintée d'humanisme athée qui me plaît bien.

L'écriture est sublime, tranchante, sans la moindre goutte de pathos. On ne veut pas en perdre une ligne, une lettre. J'ai bien trouvé parfois que certaines réflexions étaient un peu trop bien agencées pour être celles d'un adolescent, mais finalement cela passe dans le flot de l'ensemble. Le courant tumultueux des idées, la poésie qui enveloppe tout cela, emporte tout et le lecteur avec lui.

Je pense que cet ouvrage est à lire en prenant tout son temps pour l'apprécier à sa juste valeur. L'ayant dévoré dans l'après-midi, je crois que je lui dois une seconde lecture. Mais je n'ai pu résister à vous en parler d'abord tant ce fut un choc puissant.

Encore un exemple qu'un ouvrage peut être court et vous faire réfléchir sur des sujets graves, durs. Que la qualité ne se mesure pas à l'aune des pages.

Du même auteur : La mer de tranquilité et Le souffle de l'Harmattan

Dédale

Extrait :

Personne comprend que des fois j'ai le goût d'assassiner tout le monde, que j'ai souvent besoin de cracher sur tout ce qui bouge, d'être plus cruel que jamais, je veux dire quand je sens que je suis fait comme un rat, que la gueule du loup se referme sur une nuit fatale et que je ne peux plus supporter la vie des autres, ces inconscients tout boursouflés par l'espérance de vie qui est la mesure du possible – mais c'est rien, c'est rien, c'est juste mes aigreurs de moribond qui me remontent du fond des tripes avec ma mauvaise fois. Ne t'en fais pas, ne t'en fais pas, répète comme un perroquet l'abbé chauve qui boitille dans les corridors sur sa canne à tête de bouc, sans savoir que c'est le démon lui même qu'il réchauffe ainsi dans sa main, l'abbé Guillemette qui me dit toujours hypocritement que j'ai de la jarnigoine, pour pouvoir ensuite mieux me tromper avec ses enseignements fumeux – ne t'en fais pas, la vie est plus belle que tu crois, la mort est moins dure que tu penses, blablabla. Mais c'est une vraie manie d'imbéciles : parce que je refuse de croire en leur monde artificiel et endormeur, ils insinuent tous que je suis dans l'erreur et que j'ai la berlue, ce qui est doublement impossible, vu que, l'erreur, nous nous enfonçons tous dedans comme des enclumes, et que, la berlue, je l'ai déjà eue à sept ans.

couverture
Éditions 10-18 - 125 pages