Le premier lien qui unit ces trois femmes, c’est la montagne et la vallée de Zébulon et sa luxuriante nature. Nous suivons chacune d’elles séparément bien que leurs destins soient liés. Deanna qui redécouvre sa féminité dans les bras d’un chasseur qui l’attire tout en vivant avec lui une importante confrontation de valeurs a été, au départ, mon personnage préféré. Lusa est plus butée, se sent rejetée par la famille de son mari. Quand celui-ci est fauché par une mort précoce, tout changera autour d’elle : va-t-elle rester ou non à la campagne ? Le troisième personnage féminin, Nannie, nous est surtout présenté par les yeux de sont incroyable voisin, monsieur Walker, vieillard bougon, conservateur et impossible. Leurs confrontations donneront jusqu’à la fin les scènes les plus drôles du roman et souvent touchantes.

J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre, moi qui pourtant n’a ni le pouce vert ni un quelconque intérêt pour les pousses vertes ! J’ai trouvé intérêt à la présentation de la faune et la flore, la (sur)vie trépidante des coyotes et les rites de reproductions des papillons de nuit. C’est aussi un livre qui porte sur le désir et l’amour et ce d’une façon très crédible. Nous ne sommes jamais dans le fleur bleu, le désir s’appelle comme tel, l’amour filial a ses ratés, parfois importants, et les vieux bougons souffrent de solitude mais ont aussi un sens de l’humour qui gagne à être connu.

J’ai tout de même ressenti de petites longueurs et certaines irritations, surtout quant aux questions entourant la belle-famille de Lusa, la mort des uns, l’adoption des autres et tout cela. Par certains passages, on était davantage dans le cliché ! Parfois j’aurais condensé le récit un peu pour lui garder son côté à la fois contemplatif et haletant. Un livre qui ne réinvente rien mais qui m’a vraiment plu.

Par Catherine

Extrait :

Jours de canicule. Deanna était assise sur le pont qu’elle venait de finir de réparer dans le bois de tsugas, éliminant avec nervosité les éclats de l’extrémité d’une planche de sapin et les faisant tomber dans l’eau, à l’écoute du clan des queues rouges qui se poursuivaient en poussant des cris perçants dans le ciel. Parfois, les oiseaux plongeaient dans les arbres au-dessus de sa tête et leurs reflets miroitaient brièvement à la surface de l’eau, sous ses pieds. Elle tira son bandana de sa poche arrière et épongea la sueur qui lui coulait dans les yeux, barrant son front d’une traînée de saleté et de sciure. Le faucon devient aveugle par temps de canicule, disait le diction. Mais son père, lui, disait autre chose : Rien ne peut faire qu’un oiseau perdre la vue pendant un jour de chaleur. En août, ils poussent les petits hors du nid, c’est tout. Les parents volent alentour, affolés, plongeant dans les cimes des arbres pour tenter d’échapper aux jeunes arrivés à maturité qui les suivent partout en piaillant pour être nourris, refusant de chasser par eux-mêmes. Son père ignorait le terme «oisillon», mais en connaissait le sens. Regarde-bien, lui disait-il toujours. Si ça ne sonne pas juste, c’est que ça ne l’est pas. Les gens ont toujours de bonnes raisons pour dire ce qu’ils disent, mais en général ce n’est pas celles qu’ils croient.


Rivages - 559 pages