Nous sommes à Monte Carlo, dans les années 1930. La narratrice, dont on ne connaîtra jamais le nom, est demoiselle de compagnie d’une femme insupportable, Mrs Van Hopper. Incorrigible pipelette, cette horrible femme se complait dans le commérage. La narratrice et elle sont descendues à l’Hôtel Côte d’Azur de Monte Carlo. Là, Mrs Van Hopper a vite fait de remarquer Maximilien de Winter dès son arrivée et de l’aborder. Il est de notoriété commune que M. de Winter est veuf, que sa femme s’est noyée. Il est, dit-on, inconsolable depuis ce triste événement. Rapidement, M. de Winter et la narratrice commencent à se fréquenter. De discussions en promenades en auto, ils se découvrent, apprennent à s’apprécier. Maximilien ne tarde pas à la demander en mariage et la jeune femme, qui n’osait en rêver, croit vivre un véritable conte de fée. Après leur voyage de noce en Italie, Maxim ramène la jeune Mrs de Winter à Manderley.

C’est là que les ennuis commencent. Manderley est la demeure dont a toujours rêvé la jeune Mrs de Winter, depuis sa plus tendre enfance. Mais elle ne parvient pas à s’y sentir chez elle. La sensation de malaise qu’elle a ressenti dès le premier jour, à son arrivée dans le domaine, persiste. Partout, tout le temps, elle se heurte à Rebecca, la première Mrs de Winter. Rebecca qui a choisi la décoration du petit salon. Rebecca qui a choisi les plantes odorantes du jardin. Rebecca qui faisait toujours les choses parfaitement bien. Rebecca qui semblait toujours si à son aise en société. Sa mémoire est palpable partout, notamment grâce aux bons soins de l’horrible Mrs Danvers. L’intendante de Manderley, qui se révèle être une femme méchante et sournoise, vouait un véritable culte à Rebecca et prend la jeune héroïne en grippe dès son arrivée de la nouvelle Mrs de Winter à Manderley. Elle lui faire comprendre par tous les moyens à sa disposition qu’elle n’est pas à sa place ici, qu’elle n’a ni la classe, ni la beauté de Rebecca. Qu’elle n’a pas le goût aussi sûr que Rebecca. Qu’elle est loin d’arriver à la cheville de Rebecca. Et la jeune femme commence à en souffrir. Accumulant les faux pas, les maladresses, elle ne heurte à un mur face aux domestiques. Plus le temps passe et moins elle se sent à l’aise, moins elle ose prendre des initiatives. Et puis, après quelques semaines, la jalousie et le désespoir commencent à s’installer en elle. Comment lutter contre une morte dont tous semblent vénérer la mémoire ? Même Maxim semble ne pas pouvoir oublier sa première femme. Résignée, la jeune Mrs de Winter est sur le point d’abandonner quand un drame va changer sa vie et sa perception des choses à jamais.

Un coup de cœur. Ce roman fut pour moi un coup de cœur. Vous allez finir par trouver que c’est une habitude chez moi…

Meilleur qu’un polar, plus efficace qu’un roman policier, Rebecca m’a tenue en haleine pendant deux jours entiers. Dès la première page, je me suis trouvée plongée dans un univers à la fois gothique et romantique. Un univers qui, par bien des côtés, m’a fait penser à mon roman préféré, Jane Eyre, de Charlotte Brontë. On dit même que Rebecca en serait fortement inspiré. On retrouve par exemple la première femme, la demeure gothique. L’ambiance est la même que dans Jane Eyre. Dans les deux romans, l’héroïne est une jeune femme, un peu naïve, au physique peu attrayant, un peu fade. Je pourrais citer d’autres exemples, mais je risquerais d’en dire trop. Cette ressemblance entre les deux romans m’a frappée et m’a plu dès le début.

Il est vraiment impossible de ne pas aimer Rebecca. Chaque fois que je me plongeais dans ce roman, le temps n’avait plus de prise sur moi, les secondes, les minutes, les heures s’égrenaient sans que je ne m’en rende compte. Le monde aurait pu s’effondrer autour de moi, je ne m’en serais même pas aperçue. J’étais complètement happée par l’univers à la fois sombre et romantique que l’auteur avait su recréer. Daphné Du Maurier a une plume exceptionnelle. Par le biais de mots très évocateurs, elle crée une ambiance à laquelle on ne peut rester insensible. On sent le parfum des fleurs du magnifique jardin de Manderley, l’odeur des toasts beurrés servis au petit déjeuner. On perçoit l’humidité glaciale des pièces où le feu n’a pas été allumé, on entend la mer se déchaîner au loin, un goût d’iode dans la bouche. On ressent tous les sentiments de la narratrice, la moindre de ses émotions, ses doutes. La tension qui monte à mesure que l’intrigue se dévoile.

Mais outre son écriture, c’est également la finesse de l’analyse psychologique qui étonne et stupéfie. La précision avec laquelle Daphné Du Maurier décrit les sentiments de son héroïne, ceux de Maximilien, est tout simplement époustouflante. Certains disent que l’histoire de ce triangle amoureux serait en partie autobiographique. Je ne sais pas, peut-être. Mais son analyse psychologique de ses personnages est tout simplement stupéfiante. Le caractère de chaque personnage, les variations d’humeur, le crescendo dans les sentiments de la nouvelle Mrs de Winter, qui passe de la joie la plus extrême au désespoir le plus profond, y sont décrits avec un talent et une maîtrise de la psychologie humaine dignes d’Agatha Christie.

Je n’aurais donc qu’un seul mot à dire : lisez-le !

J’ajouterais pour ceux qui lisent l’anglais qu’un article très intéressant du Telegraph est disponible sur Internet. Il s’intitule How Daphne Du Maurier wrote Rebecca. Il décrit notamment le contexte dans lequel Daphné Du Maurier a écrit Rebecca, sa vie pendant l’écriture du roman.

Notez également que Rebecca a été adapté au cinéma par Hitchcock lui-même. Je n’ai pas vu le film, mais s’il est à la hauteur du roman, nul doute que c’est un excellent film !

Du même auteur : La poupée, Ma cousine Rachel

Pimpi

Extrait :

- Rebecca devait être une personne remarquable.
Je ne comprenais pas comment j’avais pu enfin prononcer ce nom. J’attendis, me demandant ce qui allait se passer. J’avais prononcé ce nom. J’avais prononcé tout haut le nom de Rebecca. C’était un extraordinaire soulagement. J’avais l’impression de l’être purgée d’une souffrance intolérable. Rebecca. J’avais dit cela tout haut.


Éditions Le Livre de Poche - 377 pages