L'histoire est bien évidemment la même que dans la bande-dessinée, c'est pourquoi, exceptionnellement, je vais copier ici ce que j'en disais, du moins pour le résumé :
Kevin Mourot vit à Belleville, entre une mère qui trime pour gagner de quoi acheter les prochains repas, et un frère et une soeur aînés qui auront tôt fait de quitter le foyer familial pour se construire ailleurs une vie de misère. Cette année, Kevin entre au collège. Mais pas de 6ème classique pour lui; il doit intégrer la S.E.S. (Section d'Éducation Spécialisée). La classe des "Gogols" comme l'appellent les autres élèves.
Pourtant Kévin est loin d'être sot ou irrécupérable. Madame Dambre, son professeur, s'en aperçoit très vite : il est curieux, intelligent, un peu paumé peut-être. Une autre personne a vu chez Kevin un garçon doux et attentionné. C'est Clarisse, une jeune fille de sixième, qui vit dans une belle maison, avec ses parents.
Mais peut-on vraiment échapper à son destin quand tout vous condamne d'avance ?

Évidemment, ma lecture du roman a été influencée par celle de la bande dessinée, et au fil des pages je revoyais les illustrations de Chauzy. J'ai retrouvé la violence institutionnelle, la pauvreté de langage dans laquelle le petit Kevin est enfermé malgré lui. Mais je crois que je peux comprendre les reproches qu'émettait Pascal. En effet, si la forme romanesque permet ici de s'attarder sur certains épisodes, ce que ne peut faire la bande-dessinée, et donne ainsi au lecteur quelques clés supplémentaires, je crois que j'ai cependant préféré la version illustrée. Ou du moins, que je n'aurais pas tant apprécié le roman si je n'avais au préalable lu la bande-dessinée. Cette dernière met bien plus en exergue ce paradoxe d'une société qui encourage malgré elle la violence adolescente.
Non pas que le récit soit mal mené (ou malmené) ; j'aime décidément l'écriture de Thierry Jonquet, même quand il frôle la caricature - et il ne fait que la frôler, car pour être en contact avec des jeunes au lexique réduit, j'ai bien souvent reconnu leur façon de s'exprimer - mais les dessins de Chauzy donnaient une force incomparable au récit, le soutenait, le magnifiait. Si donc vous voulez découvrir cette histoire, je vous recommande de le faire d'abord à travers la bande-dessinée, tant sa lecture m'avait bouleversée. Je vous invite d'ailleurs à lire le billet que j'avais écrit à l'époque, bien plus complet que celui-ci.

Du même auteur : La bête et la belle, La bal des débris, Ad Vitam aeternam et Comedia.
Voir aussi : La vie de ma mère ! par Thierry Jonquet et Jean-Christophe Chauzy (la bande dessinée).

Laurence

Extrait :

A la SES, on a glandé pendant quinze jours en attendant que Mademoiselle Dambre arrive. Monsieur Bellaiche nous l'a présentée un lundi matin. C'était une meuf toute petite, vachement canon, avec une jupe à plis, un gros col roulé et des cheveux roux. Avec le bruit des chaises sur le lino, on avait du mal à entendre sa voix et elle pouvait pas parler trop fort, comme monsieur Bouvier, qui avait l'habitude du bruit. Elle a voulu faire style sympa, cool. Elle nous a dit que c'était la première fois qu'elle était prof, qu'avant elle était à la fac. Elle savait pas bien bosser comme monsieur Bouvier qui était super organisé avec ses cahiers bleus pour les maths, rouge pour le français, et tout. Mais si on l'aidait, si on y mettait tous de la bonne volonté, elle a ajouté, ça allait se passer très bien. Là non plus, il y avait pas de logique. Style on était dans un truc spécial en échec scolaire, et on nous envoyais quelqu'un qui y connaissait que dalle !


Éditions Folio - 146 pages