Pourtant, le professeur ne semble pas malheureux de la situation, tant les concours de mathématiques, organisés par les différentes revues scientifiques, le passionnent. Ce sont d'ailleurs les rares moments où le professeur sort de son mutisme : il aime expliquer et enseigner les mathématiques et le fait divinement bien, à tel point que la narratrice commence à son tour à se passionner pour cette science a priori austère.
Le professeur a une autre passion, partagée par Root, le fils de la narratrice : le base-ball japonais, et plus particulièrement l'équipe des Tigers. Mais, prisonnier de ses souvenirs, il admire un joueur qui a depuis longtemps pris sa retraite.

J'ai découvert ici un univers très différent des deux romans que j'avais lus de cette auteure. En effet, dans l'Annulaire et La petite pièce hexagonale, Yoko Ogawa avait clairement privilégié le registre de l'étrange et les ambiances à la limite du fantastique. Dans La formule préférée du professeur, la construction narrative est beaucoup plus classique et attendue : les destins de trois êtres que tout semble séparer au début du roman. Mais Yoko Ogawa a réussi à créer des personnages touchants, et loin d'être déçue, je me suis laissée complètement embarquer par cette histoire.
A tel point, que dès les premières pages, à l'instar de la narratrice, je me suis mis à chercher de mon côté les réponses aux problèmes posés par le professeur. Et moi la littéraire, je ne suis pas peu fière d'avoir trouvé la plupart des formules. Il faut dire que Yoko Ogawa, sans nous donner l'impression de suivre un cours théorique et indigeste, nous dévoile avec beaucoup de talent et de tendresse, une partie des mystères des nombres premiers.

Ce roman est donc un véritable régal, tant pour l'étude psychologique des personnages que pour le voyage au pays des mathématiques. À lire donc sans bouder son plaisir, que l'on ait ou non l'esprit scientifique.

Voir aussi les avis de Chimère, Gachucha, Papillon, Nanne, Chiffonnette, Kattel, Kathel et In Cold Blog

Du même auteur : Le musée du silence, L'Annulaire, La petite pièce hexagonale, L'hôtel Iris, Le petit joueur d'échecs

Laurence

Extrait :

Je parle de ses vêtements parce que le nombre de petites notes fixées çà et là sur sa veste fut pour moi très déconcertant. Encolure, manche, poches, ourlet, ceinture de pantalon, boutonnières, il y en avait d'attachées dans tous les endroits possibles et imaginables. Le tissu de son veston était tout fripé et déformé par les pinces. Certains papiers étaient déchirés, d'autres jaunis ou abîmés, et sur chacun il y avait quelque chose d'écrit. Pour les lire, il fallait s'approcher et regarder avec attention. Je supposais que pour compenser sa mémoire défaillante au bout de quatre-vingts minutes il notait les choses qu'il ne devait pas oublier, et que pour ne pas oublier où il avait mis ces notes il les agrafait sur son corps, mais de quelle manière accueillir sa silhouette était une question bien plus difficile pour moi que de lui dire ma pointure.


Éditions Babel - 244 pages