Ilse et Erika n'ont pas eu une enfance facile : leurs parents ont divorcés très tôt, elles ont vécu pendant deux ans chez les grands-paternels avant que leur mère à nouveau mariée ne les "récupère" pour les installer dans leur nouveau foyer. Mais la mère des petites ne sait pas écouter, aimer. Entre grands principes d'éducation et paires de claques, les deux fillettes ont du mal à trouver leur place. Si Érika résiste tant bien que mal, Ilse ne supporte plus cette manière de vivre et organise sa fugue. Mais ce qu'elle a confié à Érika est-il bien la vérité ? Et si Ilse avait autant menti à sa mère qu'à sa petite sœur ?

Ilse est partie, publié en Autriche en 1974, fait partie de ces romans réalistes qui décrivent le quotidien malmené de certains adolescents. Le tableau est très sombre et la petite Erika un peu perdue. L'intrigue en elle-même reste dans les codes des romans de ce genre : une fugue, une enquête, les retrouvailles et l'entraide entre adolescents. Mais Christine Nöstlinger profite de ce point de départ pour dénoncer une certaine vision de l'éducation. La mère d'Érika et Ilse est le personnage le plus antipathique : centrée sur le quand-dira-t-on, égocentrique, elle se montre incapable d'amour et d'attention. Malgré toute cette noirceur, certains personnages se détachent par leur générosité et leur luminosité : la Mamie paternelle, douce et aimante ; Kurt, le beau-père dépassé et Alibaba l'adolescent excentrique. Le tout est porté par une écriture très simple qui permet à l'adolescent de se concentrer sur l'évolution psychologique de la petite narratrice.

Pourtant, la fin de ce roman m'a laissée assez perplexe. Si j'ai trouvé intéressant de proposer une fin ouverte et de ne pas sombrer dans une mièvrerie sirupeuse, il m'a semblé que la situation dans laquelle l'auteur laisse ses personnages peut-être une source de mal-être pour le jeune adolescent lecteur : non seulement rien n'est réellement résolu avec le retour d'Ilse mais les dernières phrases d'Érika laissent entrapercevoir un avenir sombre et menaçant. Il me semble qu'une petite lueur d'espoir n'aurait pas été malvenue et ce pessimisme, ce fatalisme résigné, m'a fortement dérangée.

Laurence

Extrait :

Je vais l'écrire, même si je ne sais pas par où commencer ni ce que je dois écrire. Je sais juste comment ça va se terminer.
Ma sœur est partie, voilà comment ça se termine.
Ma sœur Ilse. Ilse est partie. Elle ne reviendra pas. Et si elle revient, elle ira dans un foyer, ont-ils dit. Parce qu'ils ne peuvent plus assumer la responsabilité. L'assistante sociale de la police a dit: d'abord il faut trouver Ilse, ensuite Maman réfléchira à la question du foyer. Papa a ajouté qu'il avait son mot à dire ; mais ce n'est pas vrai. On ne lui demande pas son avis, à lui.
Je ne veux pas qu'Ilse revienne. Sinon elle ira en foyer.
Je ne leur dirai rien.
Je dois leur dire tout ce que je sais, ont dit Maman et Kurt. Papa, Mamie et les autres ont dit la même chose. Je ne leur dirai rien.
« Ce sera toujours mieux qu'ici ! » m'a dit Ilse juste avant de partir. C'est vrai. Pour elle, c'est vrai. Quand j'aurai quatorze ans, quand j'aurais son âge, ce sera peut-être vrai pour moi aussi.


Ilse est partie de Christine Nöstlinger - Éditions Mijade collection Zone J - 221 pages