Menteur est donc l'autobiographie fictive de ce personnage. Et fictive, elle l'est à plusieurs titres, puisque Antoine a autant fantasmé sa vie qu'il l'a vécue. C'est un roman drôle et caustique. Pourtant, contrairement à ce que j'ai pu lire, je ne le conseillerais pas à des lecteurs débutants. En effet, la construction très particulière du récit, pourrait être un frein. Tout d'abord vous avez les flashes back et retours sans préavis entre les souvenirs et l'attente chez le médecin. Mais surtout, on croirait entendre ma grand-mère qui raconte une histoire. Car Antoine ne peut pas s'empêcher de digresser. De vraies poupées russes... Par contre, pour tous ceux qui sont habitués à lire, n'hésitez pas, c'est un très bon moment d'humour.

Laurence

Extrait:

Je m’emmerde.
Enfin j’essaie.
Ce serait idéal. Cela ferait taire la voix aigrelette et terrifiante, le crissement insidieusement méchant : “Alors, monsieur Berthier, on vient chercher ses résultats? Qu'est-ce qu'on s'imagine, monsieur Berthier, qu'ils vont être bons? Ah, l'incorrigible monsieur Berthier, avec son optimisme... Il a attendu trop longtemps, monsieur Berthier, il a voulu faire le négligent, le faraud. Pourtant, il a été prévenu: des douleurs diffuses puis plus précises. Et vous croyez que ça l'a fait bouger? Pas du tout, une aspirine et on n'y pense plus, enfin on tente de ne plus y penser... On se fie à sa bonne étoile, on aborde les raisonnements vasouillards et consolants: ça ne peut pas être grave... je ne maigris pas, donc ça ne peut pas être ça. Ça peut être tout bien sûr, mais pas ça.”
Et puis je me suis décidé, je suis arrivé chez ce con. Un homme qui est susceptible de vous annoncer une mauvaise nouvelle est toujours un con. Il m'a palpé... j'ai guetté la grimace, l'expression de sa tronche de faux jeton, pas un pli n'a bougé, pas un rictus, ni inquiétude ni satisfaction. Ce type devrait jouer les blocs de marbre dans les péplums, les Indiens dans les téléfilms. j'ai avalé ma salive, enfin ce que j'ai trouvé au fond de mes amygdales et qui devait être de la salive, et j'ai flûté :
- Alors ?
Il n'a pas bougé un cil.
- On ne peut rien dire. Il faut faire des examens.
Et voilà, c'était parti... des examens. C'est encore plus dur pour un prof Ça vous renvoie aux temps anciens... j'en ai toujours eu horreur, d'ailleurs. Je les ai tous faits, du certif à l'agrégation, en passant par le BEPC, le bac, les licences; je ne parle pas des concours par pelletées, des écrits par tombereaux, des oraux par charrettes, des maîtrises par paquets de douze, des thèses en vrac, et ce crétin qui vient me parler d'examens...


Editions Magnard Classiques et Contemporains - 249 pages

Du même auteur : Venge-moi !