Virgile ne supporte plus qu’on ne lui accorde pas le crédit des adultes. Après une tentative de fugue ratée, il profite d’une soirée mondaine pour séduire Clara, femme sublime de 20 ans de plus que lui. Dans ce récit à la première personne, Virgile nous raconte ce passage entre l’adolescence et l’âge adulte.
Mais ce qui me gênait dans les films adaptés de l’œuvre d’Alexandre Jardin, est encore plus présent dans ce premier roman. Virgile est un jeune arriviste, égoïste et ambitieux. Les autres ne l’intéressent que pour l’amour qu’ils lui portent. Ils ne sont que des instruments qui lui permettent d’accéder à ses désirs. Il est difficile d’apprécier un récit quand le personnage principal vous est absolument insupportable.
Pour couronner le tout, l’écriture d’Alexandre Jardin est comme son héros : fière de ses effets et de son pédantisme. Les petites phrases bien senties, les sentences assénées comme des vérités, les jeux de mots mis en exergue au détour du récit. On sent l’auteur qui n’apprécie ses lecteurs que pour l’admiration qu’ils lui portent. Finalement, je trouve qu’Alexandre Jardin ressemble trop à son personnage : imbu de lui-même.

Laurence

Extrait :

Nous nous éloignâmes. Je pressai Clara de mettre les choses au clair :
- Il vous fait souvent la cour, celui-là ?
- Oui.
- Comme je le comprends..., chuchotai-je.
- Tu me fais la cour, toi aussi ?
Je lui répondis par un sourire où se mêlaient le jeu et la vérité. Difficile d'être plus franc.
Autour de nous, je sentis le flot des invités se diriger vers la salle à manger; et, dans l'embrasure des portes, j'aperçus une grande et une petite table. Je tressaillis, tremblai, puis je repris mon aplomb. J'avais oublié que l'organisation du dîner allait me séparer de Clara en me reléguant à la table des moutards.
Je serrai son bras.
- Clara, j'ai quelque chose à vous demander. A table, je voudrais être assis à votre droite, pas à la table des enfants, dis-je la voix tremblante.
Elle me regarda, surprise. J'insistai en silence, avec les yeux et tout le faible poids de ma présence. Elle ne me répondit pas et se déroba pour aller accueillir un hôte qui venait d'arriver.
Je ne la retrouvai qu'au moment où un laquais, un vrai comme dans les films, annonça que le dîner était servi. Les convives se pressèrent autour de la table des grands. A mesure que Clara plaçait tout le monde, mon anxiété croissait. Je sentais qu'elle ne pouvait qu'attribuer à quelqu'un d'autre la première place à sa droite. Un barbichu sembla croire qu'elle lui était destinée. Je pâlis. Mais Clara le repoussa une chaise plus loin. Je respirai. La place tant convoitée restait libre.
Mon regard se posa un instant sur la table des enfants, à l'écart. Ils semblaient être au coin, comme s'ils avaient dû purger une punition. Claude était là, assis à côté d'une petite blonde mièvre. Il me serrait le coeur. Pauvre Claude, il n'était pas très combatif.
La main de Clara m'effleura.
- Assieds-toi, Virgile.
Je m'assis à la droite de Clara. Tout le monde me regardait. Je rougissais au-dedans mais restais impassible en apparence. Je ne devais à aucun prix rater mon entrée sur la scène. Puis les gens se détournèrent de moi. Seul papa me décocha un coup d'oeil meurtrier.
J'étais comme ivre d'avoir atteint cette chaise, première étape vers l'âge adulte. Je bus un verre de vin pour me donner une contenance. Les hommes regardaient Clara en coin, comme pour dissimuler leur convoitise. Ils semblaient tous la désirer. Mais c'était moi qui étais à sa droite. Une fierté immense accélérait les battements de mon coeur.

couverture

Éditions Folio – 216 pages