Ce n'est pas à proprement parler une autobiographie. Guy Bedos réfléchit à "écriture haute" et nous emmène avec lui dans ses souvenirs, revient pour nous parler de son présent, repart pour évoquer une anecdote. Les allers-retours sont permanents.
Dans la première partie du roman, il nous raconte surtout son enfance, l'Algérie et les rapports conflictuels et passionnés qu'il a avec sa mère. J'ai été dérangée par la rancoeur tenace tout au long de ces lignes. Soixante-dix ans après, l'auteur n'est toujours pas en paix. Il est tenaillé entre regrets et amertume.
Dans la seconde partie, une fois que l'installation en France est effective, l'adolescent prend son envol et démarre sa carrière professionnelle de comédien. Guy Bedos nous parle alors des gens qui ont croisé son chemin, de Sophie Daumier à Mitterrand et de la création du spectacle de son fils. Et pour tout dire, cette seconde partie m'a franchement ennuyée.
Finalement je n'ai pas trouvé ce que j'attendais dans ce livre. Le titre m'avait laissé supposer un retour sur les relations que l'on peut entretenir avec sa mère et une peinture de l'Algérie. Je n'ai trouvé ni l'une, ni l'autre. Ici la mère n'est qu'un prétexte, que l'on retrouve occasionnellement au fil des pages.
Un rendez-vous manqué donc, on ne peut pas toujours être séduit par ses lectures.

Extrait :

“Retour à ma cinémathèque intime. Dans le désordre, quelques séquences qui déboulent, en vrac. Terrorisantes. Mon oncle Lucien, petit propriétaire terrien, tonton Lulu, le mari de tata Mimi, soeur jumelle de ma mère, armé d'une carabine, fait des cartons sur les luminaires de la grande pièce à vivre où nous nous trouvons. Ma tante, mes cousins et moi avons jugé prudent de nous planquer sous la table pour éviter les balles perdues. Qu'est-ce que je fous, moi, dans ce western ? J'ai quel âge ? Et pourquoi, pour quelle faute à expier m'a-t-on mis dans les pattes de cet alcoolique militant ? De là où je suis, j'avoue que je m'embrouille un peu dans le montage. On m'a toujours dit que Lulu était parvenu à un tel degré d'éthylisme qu'on lui cachait tout ce qui se boit et qu'il se consolait en s'enfilant de l'eau de Cologne et autres breuvages impropres à la consommation. Ça ne lui réussissait pas. Je me rappelle que passé le fracas des objets brisés, il finissait toujours par nous débusquer, dans notre cachette virtuelle, du bout de son fusil. Je sens encore la rigidité glaçante du canon me grattouiller la fontanelle. De là, sans doute, mon peu de goût, depuis, pour l'abus des boissons fortes, le malaise et la colère – l'angoisse aussi – que j'éprouve au spectacle de l'ivresse, fût-elle élégante, de tous ceux, innombrables, qui ont traversé ma vie, un verre à la main, dont certains que j'admirais, que j'aimais, qui, méticuleusement, ont orchestré l'explosion de leurs neurones, de leur coeur, de leur foie et de leur pancréas, et reposent, enfin apaisés, dans le caveau de ma mémoire.”


Editions Stock - 193 pages