Ce livre parle donc de la rencontre du docteur Hicquart (Icare) et de Mozart. Il nous raconte la création du dernier opéra du compositeur, des voix qui s'élèvent vers le firmament, de la confrontation de deux époques, de la maladie qui envahit le corps du musicien, de son Requiem qu'il n'aura pas le temps d'achever....
La dernière de couverture annonce un roman “lumineux et inspiré qui fait entendre la voix de l'admiration, de l'émotion et du plaisir”. L'amie qui me l'a prêté m'avait parlé d'un roman “fabuleux et poétique”. Je n'en doute pas, et je suppose que quand on a une culture musicale classique, on doit certainement prendre beaucoup de plaisir à revivre la création de ces œuvres magnifiques. Les airs d'opéra doivent reprendre vie sous les mots de l'auteur.
Mais je n'ai jamais su apprécier la musique classique autrement qu'en fond sonore. De ce fait, je n'ai pas réussi à rentrer dans l'univers de ce roman. Il m'a paru lent et ennuyeux. Cela ne veut bien sûr pas dire qu'il est mauvais, mais je n'ai pas su le savourer.

Extrait

Je songeais à Mozart, mort à trente-cinq ans. Demain, jeudi 5 décembre 1991, il y aurait tout juste deux cents ans. Dans mes rêveries, je l'avais souvent retrouvé, emportant avec moi les quelques tablettes de pénicilline qui, prescrites au moment judicieux, l'auraient sans doute sauvé. Combien de chefs-d'oeuvre seraient nés pendant ce sursis, au lieu de se liquéfier dans la terre du cimetière de Saint-Marx ? Je haïssais les esprits froids qui doutaient que Mozart eût alors évolué. Il me plaisait d'imaginer le musicien en sémillant octogénaire, son génie préservé des outrages de la vieillesse. J'acceptais qu'il nous quittât un soir d'octobre 1849. Il avait alors quatre-vingt-treize ans et encore bon pied bon oeil. Mais l'émotion l'avait terrassé en lisant la lettre qui lui annonçait la mort de Chopin : "Jouez-moi du Mozart", avait supplié Chopin avant de sombrer dans le dernier sommeil. Vingt-deux ans plus tôt, Mozart avait mieux supporté la disparition de deux autres musiciens chers à son souvenir, Beethoven et Schubert. Tous avaient été ses élèves. Comme Liszt, Schumann et Wagner un peu plus tard. Lors de son dernier concert, le vieux Mozart avait reçu dans sa loge deux jeunes gens en culottes courtes. Sa mémoire commençant à lui jouer quelques tours, il avait noté que leurs noms commençaient tous deux par un B. Ah, oui... Brahms et Borodine ! Aussi, personne ne s'était étonné que le jeune Beethoven eût écrit ses derniers quatuors à la place des premiers. J'avais quelque peine à imaginer les œuvres ultimes du vieux lion, mais pas le cataclysme bien-faisant qui s'était propagé en cascade de Wagner à Mahler, de Mahler à Schônberg. Ce raz de marée avait détourné Varèse, Berio, et même Pierre Boulez des labyrinthes pathologiques de la création. Leurs œuvres, transcendées par le périple achevé de Mozart, nous avaient préservés du naufrage de la musique contemporaine. Nous-mêmes, nourris à ces fleuves, n'étions plus pareils. Mais plus encore, ce Mozart dont la mort nous avait privés pénétrait le coeur des hommes et retenait leurs pulsions barbares. Notre monde était devenu meilleur. Voilà pourquoi j'aurais donné le temps qui me restait pour que Mozart vécût quelques mois de plus. Une messe achevée de Mozart valait bien qu'on abrégeât la vie d'un être obscur. Et de surcroît volontaire.


Editions Babel - 229 pages