Au cours de ces douze heures, l’Ascenseur et son père, à bord d’une multitude de véhicules, vont rencontrer ce qui se fait de mieux dans la ville phocéenne : télé, mafieux, Russes, services secrets français, Richard Anthony, un VRP pied-noir, j’en passe et des meilleures. Ces douze heures vont surtout permettre au père et au fils de se découvrir sous leurs véritables visages.

Tout le talent de Philippe Carrese réside dans son écriture : pour commencer, la narration alterne sans cesse entre le récit classique et les délires scénaristiques d’un aficionado de la console de jeux. Les protagonistes sont donc régulièrement transportés dans un univers parallèle fait de droïdes et de soucoupes volantes.
Et puis Carrese est drôle, définitivement hilarant. J’ai lu ce roman avec le sourire aux lèvres, quand je ne riais pas franchement, en naviguant de trouvailles en trouvailles. L’histoire est totalement rocambolesque, mais plus elle devenait improbable, plus je riais et me délectais des rebondissements ahurissants.
Un petit polar sympathique qui m’a donné envie de mieux connaître cet auteur.

Du même auteur : Trois jours d'engatse, Une belle histoire d'amour et Les veuves gigognes
voir aussi l'interview qu'il a accordée à Biblioblog.

Extrait :

Les Djouhns s'entassèrent en un tas de matière gluante, agglutinés contre les bouches d' aération. Kildrajoon arriva à s'accrocher à un des barreaux alors que son lieutenant se précipitait inexorablement vers la fange ignoble. Barphil plongea jusqu'aux mollets dans l'amas de Djouhns. Les regards des deux hommes se croisèrent, Barphil se savait perdu.
— Ne vous affolez pas, Barphil ! hurla Kildrajoon. Il vous suffirait d'appuyer sur la commande F3 du clavier pour les réduire en poussière.
— Trop facile à dire maintenant, capitaine ! cria le désespéré. Encore eut-il fallut que j'eussiez accès aux codes cachés. Un Djouhn tira une rafale d'une douloureuse précision. Le bras du lieutenant Barphil se désintégri dans un bruit de friture. Il hurli.
- Rhaaaaa ! Si seulement vous eussiez sorti la mode d'emploi en français avec le CD-Rom, je n'eus que la version traduite de translation de le langage coréen.
— Mon Dieu ! Votre imparfait du subjonctif, lieutenant !
Le lieutenant Barphil hurli toujours :
— Assassin ! Vous fussiez un assassin, Kildrajoon
— Barphil ! Imaginez un instant que les mouchards de l'empire de Pathos nous écoutent ? Que vont-ils penser de votre imparfait du subjonctif ?
— L'imparfait du subjonctif, je m'en bats les couilles, Kildrajoon ! Aaaaaaaaah...
Dans un dernier soubresaut, le lieutenant se désintégri sous les impacts répétés. Kildrajoon se résigni à abandonner le passé simple dans ses conversations avec le centre de contrôle du royaume de Knerh. Le vaisseau plongeait inexorablement vers les abîmes en fusion de la planète Pathos. Le prince Konhreïd était aux prises avec un ordinateur compatible PC alors que toute l'expédition avait été programmée sur un G4 Apple et que la section « aide grammaticale » de mon traitement de texte pataugeait sur cette stupide histoire d'imparfait du subjonctif.
Une coupure générale du courant provoqua la fin prématurée de cette phase cruciale des aventures du capitaine Kildrajoon que j'ai même pas eu le temps de sauver. Zobi ! Et encore, sauver le capitaine Kildrajoon, j'aurais toujours pu. C'est tout mon texte que je viens de paumer avec le disjonctage général du circuit électrique de la villa.

— Ahhhh... Putain !
Ça, c'est mon père qui râle.
— C'est rien, Doudou, c'est la télé.
Ça, c'est ma mère qui temporise. Quand ma mère temporise en appelant mon père « Doudou », ça temporise que dalle. Il va s'énerver.
— Putain, Martine... Pas « Doudou ». Jamais « Doudou »... Surtout s'il y a du monde.

conduite accompagnée
Éditions Pocket – 275 pages