Contrairement à ce que l'on a pu écrire, Richard Matheson n'est pas un auteur de Science Fiction, mais bien un auteur de fantastique. Ses textes vous plongent dans des univers à l'apparence anodine, mais où tout bascule en quelques phrases. Il n'a pas son pareil pour vous tenir en haleine. Tout tient dans la non-description, car son talent réside dans le non-dit, cet espace où votre imaginaire est plus fort que tous les mots que l'on pourrait vous livrer. Ses personnages, souvent masculins, évoluent dans un monde où la logique se disloque et s'évanouit. Ils perdent leurs repères et nous avec. Des brèches sur l'inconnu s'ouvrent et nous engloutissent. Nombre de ses nouvelles ont d'ailleurs été reprises dans la série télévisée "La quatrième dimension". Dans ce tome, il n'y a rien à jeter. A chacun des textes, on se laisse porter par la magie de son écriture.
Richard Matheson a été découvert et respecté par le milieu du fantastique dès sa première nouvelle : "Né de l'homme et de la femme". Je vous livre ici le début, juste le début... Si vous êtes comme moi, ce début sera suffisant pour vous donner envie de connaître la suite. Et quelle suite!

Du même auteur : Nouvelles (Tome 2 / 1953-1959), Je suis une légende, Le jeune homme, la mort et le temps, La maison des Damnés

Laurence

Extrait :

X – Aujourd'hui maman m'a appelé monstre. Espèce de monstre elle a dit. J'ai vu la colère dans ses yeux. Je me demande qu'est-ce que c'est un monstre.
Aujourd'hui de l'eau est tombée de là-haut. Elle est tombée partout j'ai vu. Je voyais la terre derrière la petite fenêtre. La terre elle buvait l'eau comme une bouche qui a soif. Elle a trop bu et elle a vomi et elle a coulé marron. J'ai pas aimé ça. Maman est jolie je sais. Dans mon coin pour dormir avec des murs froids autour j'ai un machin en papier qui était derrière là où il y a le feu. Ça dit dessus VEDETTES DE L'ÉCRAN. Il y a des images avec des têtes comme à maman et à papa. Papa dit qu'elles sont jolies. Une fois il l'a dit.
Et maman aussi il a dit. Elle est très jolie et moi pas mal. Regarde-toi il a dit et il avait pas sa bonne figure. J'ai touché son bras et j'ai dit ça va comme ça papa. Il a sursauté et s'est écarté et je pouvais plus l'atteindre.
Aujourd'hui maman m'a détaché un peu de la chaîne alors j'ai pu voir par la petite fenêtre. C'est comme ça que j'ai vu l'eau tomber de là-haut.

XX – Aujourd'hui il y avait du tout doré là-haut. Je le sais quand j'ai regardé mes yeux m'ont fait mal. Quand )'ai regardé la cave après elle était rouge.
Je crois qu'il y avait église. Ils s'en vont de là-haut. La grosse machine les avale et elle roule et la voilà partie. Derrière il y a la petite maman. Elle est bien plus petite que moi. Je peux voir tout ce que je veux par la petite fenêtre.
Aujourd'hui quand il a fait sombre j'ai mangé ma gamelle et des bestioles. J'entends des rires là-haut. J'aime savoir pourquoi il y a des rires. J'ai enlevé la chaîne du mur et l'ai enroulée autour de moi. J'ai marché plotch plotch jusqu'à l'escalier. Il grince quand je monte dessus. Mes jambes glissent dessus parce que je marche pas sur l'escalier. Mes pieds collent au bois.”


Editions J'ai Lu Fantastique - 467 pages.