Comme une caméra indiscrète, l'écriture nous fait pénétrer dans l'intimité de couples ayant pour point commun la médiocrité. Les sentiments privilégiés sont la peur, la jalousie, l'ennui, la lâcheté...
Une seule histoire semble échapper à ce cycle : “C'est pas grand chose, mais ça fait du bien”.
Bien sûr, la littérature n'est pas là pour embellir, mais doit-elle se délecter de la misère affective, à une époque où elle est déjà tellement exposée dans les différentes émissions de télé-réalité?
J'ai eu la désagréable sensation que le lecteur était limité à une fonction de voyeur et que l'auteur lui offrait en pâture de simples gens paumés et dépassés par le pathétique de leur propre vie.

Extrait :

“Le son de la télévision lui parvint avant même qu'il eût ouvert la porte et les enfants ne levèrent pas les yeux lorsqu'il traversa la salle de séjour. Doreen était dans la cuisine, en tenue de travail, et mangeait des oeufs au bacon. — Mais qu'est-ce que tu fais ? dit Earl.
Elle continua à mastiquer les aliments qui lui gonflaient les joues, puis elle recracha tout dans une serviette. — C'était plus fort que moi, dit-elle.
— Connasse, dit Earl. C'est ça, bouffe! Morfale-toi!
Il alla dans la chambre, ferma la porte et s'étendit sur le lit. Le son de la télévision lui parvenait encore. Il croisa les mains sous sa nuque et fixa le plafond d'un oeil vide.
Doreen poussa la porte.
— Je vais faire un effort, dit-elle.
— Bon.
Le surlendemain matin, elle le héla de la salle de bains.
— Regarde, lui dit-elle.
Earl regarda le cadran de la balance, ouvrit un tiroir, en sortit le bout de papier et vérifia le cadran une seconde fois. Doreen souriait jusqu'aux oreilles.
— Trois cents grammes, dit-elle.
— C'est déjà ça, dit-il en lui appliquant une tape sur la hanche.”


Éditions de L'Olivier - 189 pages