Pour ce faire, il suit le parcours des habitants d'un immeuble : une veuve juive, une famille adhérente et militante du Parti, un ancien magistrat, un voleur à la petite semaine et un couple d'ouvriers, les Quanguel.
C'est sur ce couple plus précisément que l'auteur se concentre. Parce que leur fils est mort à la guerre, ils décident de lutter à leur façon contre le nazisme.
Ce roman, en dehors de son intérêt romanesque, est un document édifiant sur ce que pouvait être la peur au quotidien sous le IIIème Reich. Hans Fallada raconte les délations, les menaces, les chantages, les pressions... La fin du roman est particulièrement éprouvante : sous nos yeux, s'étale l'horreur des prisons que les nazis réservaient à leurs concitoyens.

En France, quand on luttait contre les nazis, on était un "résistant" à l'ennemi. En Allemagne, quand on faisait la même chose, on était un traître à la nation. Une différence de sémantique qui souligne bien toute la difficulté de se positionner à l'époque pour les Allemands.
Primo Lévi a dit de ce livre qu'il était “l'un des plus beaux livres sur la résistance allemande anti-nazie”.

Extrait:

“Et il s'aperçoit que Trudel a le front appuyé contre cette affiche dont il venait de l'éloigner. Au-dessus de sa tête se lit en caractère gras :

AU NOM DU PEUPLE ALLEMAND

Son front cache les noms des trois pendus...
Et voilà qu'il se dit qu'un jour on pourrait fort bien placarder une affiche du même genre avec les noms d'Anna, de Trudel, de lui-même... Il secoue la tête, fâché... N'est-il pas un simple travailleur manuel, qui ne demande que sa tranquillité et ne veut rien savoir de la politique ? Anna ne s'intéresse qu'à leur ménage. Et cette jolie fille de Trudel aura bientôt trouvé un nouveau fiancé...

Mais ce qu'il vient d'évoquer l'obsède :
« Notre nom affiché au mur ? pense-t-il, tout déconcerté. Et pourquoi pas ? Être pendu n'est pas plus terrible qu'être déchiqueté par un obus ou que mourir d'une appendicite... Tout ça n'a pas d'importance... Une seule chose est importante : combattre ce qui est avec Hitler... Tout à coup, je ne vois plus qu'oppression, haine, contrainte et souffrance!... Tant de souffrance!... " Quelques milliers ", a dit Borkhausen, ce mouchard et ce lâche... Si seulement il pouvait être du nombre!... Qu'un seul être souffre injustement, et que, pouvant y changer quelque chose, je ne le fasse pas, parce que je suis lâche et que j'aime trop ma tranquillité... »
Il n'ose pas aller plus avant dans ses pensées. Il a peur, réellement peur, qu'elles ne le poussent implacablement à changer sa vie, de fond en comble.”

seul dans berlin
Éditions Folio – 556 pages