Régis Jauffret va donc s'appliquer pendant 211 pages à explorer les pensées des quatre personnages qui forment ce huis-clos : Giselle, Damien et les parents de ce dernier.
En lisant le premier chapitre, l'envie est grande de conclure que Giselle est la folle de cette histoire. Mais en avançant dans la narration, on comprend rapidement que la pauvre Giselle n'est qu'une victime de la folie absolue de sa belle-famille. L'auteur alterne en permanence la focalisation de son récit pour mieux pousser à l'extrême les raisonnement fallacieux et psychotiques de ses personnages.
Il y a le fils qui n'ose assumer sa rupture et son homosexualité; la mère qui est partagée entre l'amour dévorant qu'elle ressent pour son fils et un sentiment de solidarité féminine; et enfin le père, plus objet passif qu'être individuel et pensant.

L'auteur n'épargne rien ni à ses personnages ni à ses lecteurs. Le langage est cru, les propos violents. De l'œdipe à la castration psychologique, de la manipulation à la lâcheté la plus abjecte, Régis Jauffret recense toutes les déviances auxquelles l'être humain peut s'abandonner.
Malheureusement, bien que séduite au départ par cette immersion dans le "Ça" , j'ai rapidement été écœurée par un texte devenu indigeste et répétitif.
Il y avait sûrement là, matière à faire une bonne nouvelle, incisive et dérangeante, mais la lecture se révèle au final laborieuse et décevante.

Du même auteur : Tibère et Marjorie

Laurence

Extrait:

"Vous pensez que je ne la décris pas sous son meilleur jour, et exagère à la fois sa malfaisance et sa méchanceté. Je ne suis qu'une mère, mon amour pour Damien est bien le seul qu'une femme lui vouera jusqu'à la fin de ses jours. Cet amour enlaidit son entourage pour mieux l'en protéger, allant jusqu'à lui inventer des ennemis afin de lui prouver des dangers qu'il courrait s'il s'abandonnait à la vie, coupant le cordon, s'inventant, comme si on pouvait naître seul, comme si l'accouchement n'était pas irréversible, comme s'il pouvait être autre chose que cet adulte dans lequel après ma mort j'existerai encore, avec ma chair, mon sang, mes idées, et il aura beau lutter, argumenter, raisonner, il ne se débarrassera pas plus de moi que de mon sourire quand il aura réussi à sauter un obstacle, et de mon air renfrogné si d'aventure il se laisse aller à errer hors du sentier ascendant de l'existence que je lui aie choisie"

asile de fous
Éditions Gallimard - 211 pages