C'est le début d'une course folle qui durera 72 heures. Au cours de ces quelques heures, un immeuble sera dynamité, des voitures cassées, un homme égorgé, plusieurs autres tués par balles... Le pauvre Bernard, qui n'en avait pas tant demandé, se retrouve mêlé à une histoire politicienne qui le dépasse largement.

Trois jours d'engatse est le premier roman de Philippe Carrese, et déjà on y retrouve les éléments incontournables : le "parler marseillais" bien sûr, l'humour mordant, les personnages décrits avec beaucoup de minutie, les actions qui s'enchaînent à une rapidité vertigineuse... Mais surtout il y a Marseille. Marseille en long, en large et en travers. Philippe Carrese nous offre une visite guidée, drôle, critique, grinçante, mais aussi tendre et inquiète.
Comme en lisant Conduite accompagnée, j'ai ri aux éclats à de nombreuses reprises. Philippe Carrese a l'art de retourner les situations. au moment le plus angoissant, il a toujours une petite phrase qui va vous désarçonner. Autre régal, le lexique à la fin de l'ouvrage avec les mots de chez moi : "ensuqué", "mon béu", "estranciner"... Et si vous n'êtes pas de chez moi, vous en rirez sûrement d'autant plus, car ils auront l'attrait de la nouveauté.
Un seul bémol peut-être : la fin du récit m'a un peu déçue, même si elle m'a fait sourire. J'ai eu l'impression que Carrese, débordé par sa propre histoire, l'avait conclu un peu à la va vite.
Voir aussi Une belle histoire d'amour, Les veuves gigognes et l'interview qu'il a accordée à Biblioblog.

Extrait :

"Qu'est-ce qu'elle est belle, cette rue ! Il y a une plaque sur laquelle est écrit rue Canebière, mais ça, il faut s'y faire... Ici, au plus la rue est petite, au plus elle s'appelle boulevard. Dans les quartiers à petites traverses, comme à Endoumes ou La Belle de Mai, la moindre traviole, c'est l'avenue Machin... avec des noms incroyables que dégun connaît... Des notabilités du quartier, sans doute.
La Canebière, par contre, c'est une rue, va comprendre. Quand tu es devant la pharmacie Planche, tout à fait en haut, à côté de l'église des Réformés, ce tas de pierres qui se prend pour une cathédrale, tu vois toute l'enfilade jusqu'à la mer, jusqu'au Vieux-Port.
Aujourd'hui, il y a un peu de zef, pas trop fort, juste le mistral qu'il faut pour dégager la pollution ambiante et rendre les perspectives éclatantes.
De la pharmacie, ce qui est étonnant, c'est tous ces réverbères. Ça a une gueule... C'est des monuments historiques, les premiers éclairages électriques sur une grande avenue, au début du siècle, dans une grande ville.
Il paraît qu'ils devaient les enlever pour les remplacer par le genre de pylônes qu'ils ont mis à Belsunce. Y'en a encore qui vont se sucrer...
C'est dans ces occasions que tout le monde regarde dans la direction des z'élus pour savoir lequel vend les réverbères et lequel a une entreprise qui pose les réverbères."

Trois jours d'engatse
Éditions Pocket - 185 pages