... ne vous attendez surtout pas à lire une histoire fleur bleue.
Pindur est sur le point de se suicider quand son patron, Max, l'appelle pour lui demander de tuer Gisèle, sa petite amie. Elle a fait la terrible erreur de le plaquer. Et ça, Max, il n'aime pas du tout ! Il faut dire qu'il est connu dans la région comme étant un mafioso notoire et extrêmement jaloux.
Pindur joue donc le rôle de chauffeur pour Carruso, un tueur à gage qui non seulement aime la variété italienne, mais a en plus le mauvais goût de la chanter à tue tête. Contre toute attente quand les deux compères arrivent sur place, ils changent d'avis, et kidnappent la belle Gisèle. Commence alors une corrida folle et somptueuse qui emmènera les protagonistes jusque dans les Alpes de Hautes Provence. Et le taureau n'est pas forcément celui qu'on croit.

Comme à chaque fois, Philippe Carrese fait mouche : A la façon d'un chef d'orchestre, il mène son scénario tambour battant. L'écriture est drôlissime et les personnage taillés au couteau. Ainsi, au gré de la lecture vous ferez la connaissance du clone du Pape Jean Paul II, d'un cuisinier aficionados de culturisme aussi bête que musclé, d'un marseillais fan de l'OM et de son caniche nain royal mais aussi d'un flic qui ressemble en fonction de celui qui le regarde à Valéry Giscard d'Estaing, Alain Juppé ou Gilbert Montagné.

Et puis, il y a la musique : de l'opéra Gisèle au dernier tube d'Eros Ramazzoi, les notes résonnent et accompagnent les personnages tout au long du récit. Au milieu de cette cacophonie, Pindur, l'amateur de Jazz qui voulait se supprimer au début du roman, essaie de ressortir vivant de cette aventure. Pour l'accompagner, que du lourd, du bon : Wayne Shorter, Pat Metheny, Miles Davis... Pindur improvise et tente de garder le tempo. Mais son récit est sans cesse interrompu par Lucas Rozarian. Quoi? Je ne vous ai pas encore parlé de Lucas Rozarian? Ah... Et bien il vous faudra lire le livre si vous voulez savoir qui il est.
Et vous savez le meilleur? Finalement, c'est une très belle histoire d'amour que nous raconte Philippe Carrese.

Extrait :

"Le patron fouille dans la poche de son pantalon. Il en sort un papier froissé.
- D'habitude, c'est P.H. qui exécute ce type de course délicate. Mais, tu vois, Pindur... enfin... heu... Jean-Dominique, moi, je te fais confiance.
Il me regarde au fond de l'âme et répète, grave :
- Je te fais confiance, tu vois.
Je devrais sans doute répondre quelque chose. Mais je trouve rien. Il insiste :
- Moi, je te fais confiance, Pind... Jean-Do.
Je bafouille :
- Ben... heu... C'est gentil, patron.
- Non, c'est pas gentil. C'est normal.
Silence. Long. Là c'est pas un défaut d'allumage. Son silence est stratégique. Car le moment est solennel.
- Moi, Jean-Dominique, tu vois...
Non. Je vois pas encore. Mais je sens que je vais voir très vite.
- ... Moi, je te fais confiance. Tu es un gars fiable, Jean-Dominique.
Je dois faire la tronche d'un guitariste de trash-métal devant une grille d'anatole en mi bémol septième majeure. Un peu perdu, quoi...
- Tu es fiable, non ?
Je ne m'étais jamais posé cette question sur ma fiabilité. Je réponds au hasard :
- Oui.
Max me tend un papier froissé et une photo chiffonnée. Je déchiffre l'adresse sur le papier et commence à me poser les vraies questions sur ma fiabilité. J'aurais dû répondre non."

une belle histoire d'amour
Éditions Pocket - 308 pages

Du même auteur : Trois jours d'engatse, Conduite accompagnée et Les veuves gigognes.
voir aussi l'interview qu'il a accordée à Biblioblog.