Tsili, la petite juive qui n'intéresse personne, quitte la maison vide et parcourt la campagne en quête de quelques vivres. Elle comprend intuitivement qu'elle doit taire ses origines et se fait passer pour une fille de Maria, femme de peu de vertues. Accueillie par les paysannes de la région, elle est battue et maltraitée; esclave des jalousies des femmes, elle effectue leur travail en échange d'un morceau de pain. Mais la situation devient rapidement insoutenable. Alors, une fois de plus, Tsili prend la route et se réfugie dans la montagne. Là-bas, elle rencontre Marek, échappé des camps, qui a laissé sa femme et ses enfants à la barbarie humaine.

Dans ce récit, la guerre est un fantôme tenace et omniprésent. Sans jamais être au premier plan, sa menace est continuelle. Cette absence de conflits directs rend paradoxalement la narration plus insupportable. Les errances de Tsili vont durer trois ans. Trois ans de solitude, de silence et d'inconnues. Dans la troisième partie du récit, Tsili croise le chemin des survivants des camps. Au milieu de ces corps perdus, le silence se fait encore plus présent. Que dire quand on a vécu l'horreur? A quoi bon parler de l'innommable? Comment se reconstruire? Comment ne pas culpabiliser de vivre en pensant à tous ceux qui sont morts? Et ce nouveau pays dont tout le monde parle, est-ce vraiment la solution? Les échanges sont rares car souvent les regards suffisent. Mais ces regards sont plus bavards et insupportables qu'un simple discours.

J'ai aimé le silence de ce roman, cet espace où renaît l'espoir après l'inconcevable. Tsili, la petite fille innocente qui a grandi trop vite, restera longtemps dans mon coeur. Je tiens d'ailleurs souligner la qualité de la couverture du livre. Le regard de cette enfant, photographiée par Roman Vishniac, vous apostrophe, vous hypnotise, et ne vous quitte plus.

Du même auteur : Le garçon qui voulait dormir

Laurence

Extrait :

"Ils s'en allaient vers le sud. Les paysans se tenaient sur le bord des routes pour leur vendre du pain, de la vodka, de la viande fumée. Les réfugiés passaient devant eux sans acheter ni faire de troc. Les années de famine leur avaient fait perdre l'habitude de manger. Mais Tsili avait faim. Elle vendit un vêtement et reçut en échange du pain et de la viande fumée.
- Regardez ! Elle mange ! s'exclama l'un des survivants.
Maintenant elle les observait de près : maigres, repliés sur eux-mêmes, ne pouvant prononcer une parole. La terreur marquait encore leurs visages.
Le soleil répendait sa chaleur et la croûte de la terre séchait. Sur les versants qui bordaient la plaine, on voyait les premiers laboureurs. Aucun nuage n'assombrissaot le ciel, seulement des arbres et la tranquilité. Les gens cheminauent lentement, plongés en eux-mêmes, endormis pour la plupart. On n'entendait pratiquement pas un mot. Tsili craignait le secret de leurs visages plus que les ténèbres de la nuit."

Tsili
Éditions Points - 158 pages