Ce roman est extrêmement violent et éprouvant. Edem nous parle de son Afrique, des exactions de l'armée, d'un peuple qui souffre : les hommes sont morts ou en fuite, les femmes veuves et violées, les enfants malades, mutilés.
Là-bas, les manifestations étudiantes se finissent en bain de sang. Et Manuel, l'ancien prêtre, compte les morts sur son carnet.

Toute la narration semble enfermée, barricadée entre la rue Z, le marché de la gare, le wharf et les bordels. Il n'y a quasiment pas de progression. Chaque page nous ramène à la même réalité sordide et abjecte.

Au milieu de cette horreur, certains espèrent. Ils espèrent l'exil, un ailleurs; l'Amérique peut-être. Mais ailleurs, c'est encore et toujours Port-Mélo. Edem a un style, en n'en pas douter. Au milieu de la noirceur, la poésie du texte est évidente. Mais je n'ai pas pu le suivre. Rapidement, au fil du décompte des corps dans le fleuve, j'ai suffoqué, étouffé. Alors j'ai sauté certains passages, de plus en plus nombreux, comme on sort la tête de l'eau pour éviter de se noyer.

Une réinterprétation violente d'Orpheu Negro.

Du même auteur : Les pieds sales (2009)

Laurence

Extrait :

Le corbillard est toujours du côté de la rue Z. Un filet d'eau noire échappé d'une rigole mouille les pneus, les gamins tapageurs n'osent pas approcher de l'endroit. C'est vrai que ça fait peur, ça fout les boules une caisse noire, des vitres noires et un chauffeur en costume et lunettes noirs... C'est qu'il vous donne la chair de poule le 4 X 4 noir de la P.J., la mort qui rôde depuis une dizaine de jours, un moment qu'il est là, le corbillard, grosse tâche dans la boue du Port et j'ai pensé misère ! misère, Manuel on arrête le jeu du carnet et des corps. On arrête le compte. Misère, te rappelles-tu le dernier pendu?

Port-Melo
Éditions Gallimard / Continents Noirs - 178 pages