Le lecteur est invité à entrer dans l'intimité des deux immeubles à travers les écrits de leurs occupants : lettres, courriers administratifs, prospectus, affiches.... et surtout, les deux journaux intimes de Max et Eugène qui se vouent une haine aussi féroce que réciproque.
Il faut dire que leurs appartements sont en vis-à-vis et que des volets roulants défectueux les privent de l'intimité souhaitée. Aussitôt, chacun est persuadé que l'autre passe sa journée à l'espionner.

Qui n'a jamais eu de problèmes de voisinage? Ces relations complexes, faîtes de diplomatie et de distance mais aussi du partage contraînt d'un pan de la sphère privée : cloisons trop fines, rencontres dans l'ascenseur quand l'on est pas encore bien réveillé...
Pour son premier roman, J.M. Erre nous propose le pire de ce que l'on pourrait redouter comme voisins : une concierge trop curieuse, un gosse infernal, un éleveur de gerbille, un obsédé sexuel, tout y passe. Assurément, les 5 et 6 de la rue Doulce-Belette sont aussi hauts en couleurs qu'improbables.
On rit face aux situations rocambolesques sorties de l'imagination fertile de l'auteur. Malgré un démarrage un peu long, l'intrigue prend ensuite toute sa mesure, et s'accélère tout en s'étoffant. Le dénouement est une ouverture surprenante et intéressante, mais je ne peux vous en dire plus au risque de déflorer le ressort du roman.
Un premier roman drôle et impertinent qui annonce, je l'espère, d'autres récits à venir. À ne plus jamais regarder vos voisins de la même façon.

Ne manquez pas l'interview de J.M.Erre sur ce même site.

Du même auteur : Le mystère Sherlock, Made in China

Extrait :

Samedi 16 septembre. Journal d'Eugène Fluche
"Quinze jours que ça dure. Quinze jours qu'il est posté là, juste en face de chez moi. Quinze jours de faction à me tenir dans sa ligne de mire.
Ce n'est pas normal. Ce type m'espionne.
Il ne quitte pratiquement jamais son salon. Toute la journée à faire les cent pas, à passer et à repasser devant sa fenêtre. De temps en temps, il s'assoit à sa table et il se met à écrire... ou à faire semblant... pour faire diversion... puis il revient scruter mon appartement.
J'ai tout de suite remarqué que quelque chose clochait chez lui... son comportement bizarre le premier jour... son agressivité avec mes déménageurs... Et maintenant qu'il est installé de l'autre côté de la rue... Non, je ne rêve pas... Il va même jusqu'à ce pencher à la fenêtre plusieurs fois par jour, un bol à la main, sous prétexte de donner à manger au gros chat toujours vautré sur le toit de l'immeuble voisin. Mais j'ai bien compris son manège ! Il en profite surtout pour lorgner dans ma direction! D'ailleurs le chat l'ignore totalement, couché dans un tel abandon qu'il semble être en train de fondre au soleil. Le bonhomme a beau se répandre en mamours et déployer une énergie qui en dit long sur son état de délabrement mental, le matou ne lui fait jamais l'aumône d'un regard.
C'est pathétique."

prenez soin du chien
Éditions Buchet Chastel - 293 pages