Un banc sur lequel est peint "Whites only" est un symbole un ne peu plus frappent de ce que fut l'apartheid. Mais face aux difficultés de se procurer une telle pièce, les employés du musée décident d'en faire une copie. La directrice s'oppose immédiatement à cette initiative : "l'authenticité fait partie de notre devoir historique" assure-t-elle.
De ce point de départ, l'auteur, avec ironie, nous parle des blessures de tout un peuple qui a du mal à faire le deuil de son passé.

J'ai particulièrement aimé le passage consacré à Hector Peterson première victime des émeutes de Soweto.
Un texte aussi court que puissant.

Extrait :

"Mrs. King a la cuise gauche croisée par-dessus la droite, le pied gauche passé en crochet derrière la cheville droite, le bras gauche plié serrant contre sa poitrine une de nos brochures sur papier glacé. Elle est assise précautionneusement sur les lattes de bois soigneusement vernies de soleil, comme si la dernière couche n'avait pas encore été tout à fait sèche. Son bras droit, pourtant, repose le long du dossier, avec la grâce indolente d'une tige. Son corps trahit une curieuse ambivalence. Son visage aussi, d'ailleurs, où le passé et le présent se lisent en surimpression : elle a un air à la fois timoré et intrépide. L'inscription RÉSERVÉ AUX BLANCS est placée au beau milieu de l'image, juste sous le pouce qui pointe vers le bas. Un esprit malintentionné pourrait y voir une allusion irrespectueuse au blanc des yeux de Mrs. King, révulsés dans leurs orbites pour exprimer une terreur feinte – à moins que ce ne soit de l'indignation. Le reste de ses traits est composé plus prudemment, les lèvres froncées par l'amertume alors qu'une des commissures est barrée d'un plu moqueur.
Le photographe a bien fait d'opter pour le noir et blanc. Ces contrastes marqués, ajoutés au tailleurs et à la coiffure un peu vieux jeu de Mrs. King, confondent totalement les époques. La photo aurait pu être prise il y a trente ans comme hier."

couverture du livre
Éditions Zoé, écrits d'ailleurs - 44 pages