Plutôt que de "faire l'actrice" sur des planches de théâtre ou derrière une caméra, notre narratrice va jouer sa partition dans l'arène de la vie des autres. Le temps d'une prestation, elle devient la petite amie, la fille prodigue, la sœur retrouvée... de gens on ne peut plus réels. Ces particuliers, en manque de compagnie, louent ses services pour une représentation unique et improvisée.
Unique, car le transfert pouvant devenir trop important et dangereux pour l'actrice, elle ne joue jamais deux fois pour la même personne. Mais voilà que son employeur déroge à ses propres règles et l'engage à plusieurs reprises pour jouer sa fiancée.
Où s'arrête le jeu et où commence la réalité, ou inversement....?

La narration à la première personne permet une identification immédiate. Mais c'est aussi un bon procédé pour brouiller les pistes, et très vite, on ne sait plus démêler la fiction de la vie.
J'ai pris plaisir à suivre les pas et les questionnements de la narratrice, mais la fin m'a déçue : dans les derniers chapitres, la narration change totalement. J'ai eu l'impression d'être face à un patchwork assemblé à la va vite.
D'autant plus dommage, qu'il y a dans ce roman de très bons passages, à la fois poétiques et émouvants. Cédric Prévost nous amène doucement à nous interroger sur nos rapports à l'autre, sur notre besoin de reconnaissance. Il prend son temps pour installer les situations et le personnages. Cette accélération finale m'a donc encore plus dérangée. Un final en demi-teinte pour un début et un milieu très intéressant.

Laurence

Extrait :

[...] il a tout de suite proposé de m'engager, comme ça, direct, en m'expliquant que je venais de réussir l'examen d'entrée : la soirée passée avec lui. Du beau travail ! il s'est exclamé, avec une moue de connaisseur. Même si mon jeu peut encore s'améliorer, bien sûr, il n'y a pas à dire, c'est un métier...
Il m'a signalé deux ou trois choses que je n'aurais pas dû faire. Des erreurs de débutante. Mais rien de grave. Le principal, c'est que j'ai su tenir mon rôle au point de presque le convaincre qu'on allait se marier.
Jamais on ne m'avait parlé comme ça, je veux dire en tant que comédienne, et je crois que c'est aussi ce qui m'a poussée à accepter, même si mon premier emploi avait lieu dès le lendemain, parce qu'il avait justement besoin de quelqu'un pour interpréter une fille qui vient rendre visite à sa mère, qu'elle n'a pas vue depuis longtemps, les enfants, passé la majorité, ayant souvent tendance à délaisser leurs parents.
En plus il se trouve que l'adresse n'était qu'à quelques rues de chez moi, quasiment la porte à côté. De là à y voir un signe du destin me confirmant que je venais de faire le bon choix, il n'y avait qu'un pas.

trompe l'amour
Editions Actes Sud - 153 pages