Rien de percutant ou de vraiment mémorable, mais des tableaux successifs peints avec précision et détails. Des instants fugaces sauvés de l'oubli par on ne sait quelle alchimie.
L'écriture est économe et sobre. Nul enrobage, la poésie des instants suffit à elle-même. La femme qu'elle est devenue pose un regard parfois tendre, ou à l'inverse sans pardon, sur ce qu'elle fut.

Une lecture plus intéressante pour ce qu'elle apporte que pour ce qu'elle raconte : une réflexion sur ce que l'on était, est et sera.
Toutefois, vu la brièveté de ces Points de suspensions, une simple découverte en bibliothèque sera peut-être plus judicieuse.

Extrait :

Dans ma petite Austin rouge, je descends l'avenue René-Coty vers la place Denfert-Rochereau. Les proportions de cette place, la multiplicité des artères qui y convergent et la présence en son centre du fier Lion de Belfort, obligent les automobilistes qui veulent la traverser à suivre des itinéraires en arabesques. Je décrivais, pour ma part, une large courbe sur la droite afin de rejoindre le boulevard Raspail. C'est alors que je la vis au loin, au milieu du passage clouté, petite et courbée, se hâtant avec peine pour atteindre l'autre rive. Le feu était rouge, la place quasi déserte à cette heure de la journée, la vieille dame avait tout son temps... et pourtant elle a peur. Cette peur sans raison, pourtant je la ressens, je le ressens violemment comme une humiliation pour la vieille dame, il faut faire quelque chose. Je ralentis aussitôt, comme pour lui dire par la pensée : N'aie pas peur, ma chérie.

couverture
Éditions Gallimard - 94 pages