Dans ce contexte mouvant et explosif, un Gallois, Gareth Owen, occupe la délicate position de Mamour Zapt, chef de la police secrète et chargé des enquêtes politiques.
Féru de civilisation orientale et doté d'un grand sens de l'humour, Owen tente de contourner les problèmes politiciens lorsqu'éclatent plusieurs bombes en plein centre du Caire. Il se retrouve aux prises avec les fondamentalistes et les révolutionnaires en herbe et n'aura pas trop de sa circonspection pour découvrir le fin mot de l'histoire.

"Troubles au Caire" est le quatrième opus de cette série policière à l'humour so british. On y retrouve l'ambiance de la capitale cosmopolite où il fait bon vivre au rythme des siestes et des discussions sans fin. Fonctionnaire britannique peu orthodoxe, le Mamour Zapt manie aussi bien la déduction (mâtinée de scepticisme) que la langue arabe et ses nombreux jurons.
Avec un art consommé pour les palabres et les circonvolutions toutes orientales, Michael Pearce dépeint une société cairote multi-culturelle et haute en couleurs.
Tout l'art de son détective est de s'adapter à des interlocuteurs aussi variés que des âniers cairotes, des officiers britanniques, des étudiants velléitaires et des fonctionnaires coptes. On est plongé dans un monde bruyant et démonstratif qui n'aime rien tant que les histoires - et qui prend son temps pour les écouter et les raconter.
Pris entre les Britanniques, par devoir entre les Egyptiens par amitié, le Mamour Zapt navigue prudemment à vue en essayant d'échapper à la paperasserie administrative et à la jalousie de sa maîtresse, une Egyptienne de la Haute Société cairote, fille naturelle d'un éminent Pacha.

Les enquêtes d'Owen tournent souvent au rocambolesque lorsque deux cent témoins donnent chacun leur version des événements. Version qu'ils sont prêts à modifier, en bon cairotes, en croyant faire plaisir au Mamour Zapt. Bref, ici tout vire rapidement au cocasse et à la nonchalance et l'on passe un délicieux moment dans ce monde coloré sur lequel Michael Pearce pose un regard affectueux mais critique.

La série des enquêtes du Mamour Zapt comporte :

  • Le retour du Tapis, prix du roman policier le plus drôle de la Crime Writer's Association
  • La nuit du chien
  • Le coin des ânes
  • Troubles au Caire
  • La belle du Nil

Par Laverdure

Extrait :

Garder le sens des proportions, c'était bien joli, mais Owen n'était pas le seul à devoir se garder d'une réaction excessive. Le lendemain matin, en sortant d'une réunion à la Résidence, il s'aperçut que l'armée érigeait des barrages dans toutes les rues alentour.
- Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? demanda-t-il au sergent qui paraissait responsable de l'opération.
- Des défenses, monsieur.
- Des défenses ? Et contre quoi, nom de Dieu ?
- Aucune idée. Contre tous ces Arabes, j'imagine.
Un Egyptien qui avait participé à la réunion avec Owen et arrivait lui aussi dans la rue tourna à droite et se trouva confronté à un barrage.
- Hé là ! Où allez-vous comme ça ? lui demanda le caporal en faction.
- Au ministère.
- Sûrement pas. Pas par là.
- Pourquoi ?
- Parce que je vous le dis, bon Dieu, voilà pourquoi ! Et parce que j'ai un bon argument à l'appui, ajouta-t-il en tapotant la crosse de son fusil.
- Mais je me rends seulement au ministère !
- C'est vraiment pas de pot.
- J'y travaille.
- Vous n'aurez qu'à aller travailler ailleurs.
- Mais…
L'Egyptien jeta un regard déconcerté autour de lui. Owen s'avança.
- Je dois y aller tout de suite, dit l'Egyptien. J'ai une réunion importante !
- Si vous fichiez plutôt le camp ? suggéra le caporal.
- Monsieur Fahmy, puis-je vous aider ? demanda Owen.
L'Egyptien leva la main d'un air stupéfait.
- Monsieur est le ministre de l'Intérieur, expliqua Owen.
Le caporal tressaillit.
- Excusez-moi, monsieur, dit-il en s'adressant autant à Owen qu'au ministre.
Owen avait beau ne pas porter l'uniforme – en fait, il était détaché de l'armée des Indes - , le caporal comprit aussitôt qu'il avait un gradé devant lui.
- Il faut à l'évidence qu'il se rende au ministère, reprit Owen.
Le caporal parut inquiet.
- Je… je sais, monsieur. Le problème, c'est qu'on m'a donné l'ordre de ne laisser passer personne. Les ordres sont les ordres.
Le sergent, qui avait emboîté le pas à Owen en remarquant l'incident, intervint.
- Allez chercher le capitaine Fenniman, dit-il au caporal. Je me charge de régler les choses ici.
Soulagé, le caporal décampa.
- Je regrette, messieurs. Vous voulez bien patienter une minute ?
- Je n'ai pas été prévenu non plus, glissa Owen à Fahmy.
Fahmy haussa les épaules.
Le caporal revint en pressant le pas, un jeune officier sur les talons.
- Oui ? fit ce dernier d'un ton sec.
- Voici M.Fahmy, le ministre de l'Intérieur, expliqua Owen.
Le capitaine inclina poliment la tête.
- Il voudrait être autorisé à se rendre au ministère.
Le capitaine hésita.
- Je pense qu'il devrait l'être, reprit Owen.
Fenniman prit sa décision.
- Très bien. Hawley, voulez-vous escorter ce monsieur pour lui permettre de franchir nos barrages ? Bennett, restez ici. Je suis désolé pour la gêne occasionnée, dit-il à Fahmy. Mais vous comprenez sûrement que nous devons prendre certaines précautions.
L'Egyptien haussa une nouvelle fois les épaules. En s'éloignant avec le sergent, il adressa un sourire désabusé à Owen.
- Je ne vois vraiment pas pourquoi vous devez prendre ce genre de précautions, estima Owen.
- Vous n'avez pas entendu la nouvelle ? On a agressé un haut responsable de l'administration britannique. Apparemment, d'autres attentats se préparent.
- Un haut responsable de l'administration ?
- C'est ce qu'il semble.
- Fairclough ?
- Je crois que c'est effectivement son nom.
- Fairclough n'est haut responsable de rien du tout. Sauf peut-être du club de bridge.
- Ah bon ? En tous cas, voilà ce que j'ai entendu dire.
- Il y a eu une agression, d'accord. Mais bon Dieu, à quoi jouez-vous, là ?
Owen désigna les barricades.
- Il s'agit de protéger la Résidence. Le consul général pourrait être la prochaine cible.
- C'est vous qui avez eu cette idée lumineuse ?
- Cette idée me paraît plutôt bonne, répliqua Fenniman d'un ton défensif.
- Elle est complètement stupide.
- Tiens donc ? Qu'est-ce que vous en savez, monsieur…
- Owen. Le mamour zapt. Chargé de l'ordre public dans cette fichue ville. Un ordre public que vous êtes en train de foutre en l'air.

couverture
Editions 10/18 – collection Grands Détectives