Habituellement, René amuse les enfants du service de cancérologie où travaille son épouse, aidé de ses deux fidèles assistants de tissu : Susy et Momo.
Mais cette fois, c'est un peu particulier : il joue pour un public qui n'a peut-être même pas conscience de sa présence. Et sans s'en rendre compte, René laisse tomber les masques et les poupées de chiffon. Il parle de lui. Encore, jour après jour. Bientôt on ne sait plus qui a le plus besoin de l'autre.

René vit seul avec un père empêtré dans ses sentiments et sa maladresse. Oh, ce n'est pas qu'il n'aime pas son fils, mais il n'a jamais su le lui dire. Alors, René s'invente un univers de papier et de héros, trimballé d'un lieu à l'autre, en attente de ce père absent.
Et puis un jour, un nouveau couple entre dans la vie de ces deux solitaires : Aïcha, Manu et leur fille Halva. Ils viennent d'Algérie. Ils ont dû partir en hâte pour avoir montré trop de soutien à la France. Dans cette période agitée de l'histoire de France, les deux enfants s'accrochent l'un à l'autre pour affronter la brutalité de l'existence.
Pour le reste, je ne vous le résumerai point ici, car toute la beauté de ce récit réside dans la poésie pure et aérienne qui se dégage de l'écriture de Michel Quint. Cette histoire ne peut se dire en quelques mots ordinaires. Il faut la vivre intensément à travers le phrasé de l'auteur et l'émotion qui s'en exhale. Le regard de Miche Quint, à la fois tendre et sans concession sur ses personnages, mais aussi sur une période trouble de notre passé, est renversant.
J'ai particulièrement aimé les relations père-fils, quand la maladresse et l'incapacité de communiquer fleurtent avec un amour non-dit et démesuré.

Michel Quint nous embarque dans un voyage à travers le temps et l'amour. À certains moments, j'avais l'impression que Louis occupait la chambre voisine d'Oscar. Tout comme le texte d'Éric Emmanuel Schmitt, L'espoir d'aimer en chemin est un roman profondément humain. Et par les temps qui courent, c'est une piqûre de rappel salutaire.

Par contre, je n'ai pas compris le choix de d'illustration de l'éditeur, dont j'apprécie habituellement les choix graphiques. René n'a pour compagnons de travail que des marionnettes à gaines et non à fils... mais tout ceci n'est qu'un détail face à la magie de ce récit.

Laurence


Les critiques qui suivent ont été mises en ligne le 05 juillet 2007 à la suite du "Prix Biblioblog"


Une magnifique histoire, tendre ou l’Amour, le vrai, le seul et unique est le fil conducteur. Une leçon de vie, celle toute simple que vous ou moi vivez. Simplement ! Je mets quand même un tout petit bémol, un bémol de rien de tout : j’ai été terriblement déçu par la fin, elle me semble un peu « bâclée », un sentiment d’inachevé à la lecture des dernières pages. Mais la fin n’enlève rien à la beauté du récit et à l’écriture de Michel Quint que je découvrais avec ravissement.

Arsenik_


J’ai bien aimé ce livre, même si au début la lecture m’a semblé un peu ardu. Je crois qu’il y a quelque chose de très français de France (et ce n’est pas une critique !) dans ce roman, autant dans l’histoire que dans le style, qui dans les cinquantaine premières pages m’a un peu compliqué la lecture. Plusieurs expressions, plusieurs aspects me semblaient difficile à comprendre.
Mais une fois entrée dans le récit, je me suis beaucoup attachée au narrateur. Il y a beaucoup d’humanité dans ce livre et il s’agit d’un beau témoignage de ce que j’appellerais la douleur discrète, cette douleur à peine nommée qui nous accompagne partout sans vraiment nous rendre triste, sans vraiment être dérangeante. Elle se contente d’être là, et on se construit beaucoup autour d’elle.
Deux petites déceptions : je trouve que lorsque la mort frappe dans ce roman, elle est un peu expéditive. Pourtant c’est un roman qui est tout en langueur et en flottements et en nuances. Cela m’a un peu déconcertée. Et puis la fin m’a un peu désarçonnée. Trop happy ending pour une blasée finie de mon espèce !

Catherine


Sensibilisé au style de Michel Quint très récemment après avoir enfin lu Effroyables Jardins, je me suis fait plaisir à lire ce roman, sans prétention aucune, traitant du délicat sujet de la guerre d'Algérie et de ses conséquences en France... Cependant, l'aborder sous cet angle étant extrêmement réducteur , rapport à la richesse du roman, j'ajouterai que c'est un magnifique plaidoyer pour l'humanité, les simples rapports humains que nous avons les uns avec les autres. J'ai aimé l'approche de l'auteur par le biais des marionnettes, ces flash-back qui ouvrent, encore une fois, une page particulièrement sombre de l'histoire de France.
Beaucoup d'émotions dans ce roman, comme dans les précédents ouvrages de cet auteur et toujours cette volonté affichée de ne pas oublier, ce devoir de mémoire qui n'est plus l'apanage des historiens ou des politiques mais qui devient l'affaire de tous.

Cœurdechêne


Un petit bijou d'humanité. Je suis encore là, à écouter René nous raconter son enfance, son amour perdu, son père.... en une époque troublée.
Le milieu de l'hôpital, les enfants malades, leurs derniers moments sont évoqués tout en pudeur, sans sensiblerie mais avec amour, un choix de mots qui vous touche en plein coeur. J'ai eu besoin de faire des pauses parce que après de telles phrases, et bien, c’est pas évident de s’en remettre :
« Les mutilés de la route, les accidentés domestiques, les femmes fracassées de jalousie ou d’alcool lui mangent le sang. Elle en a un peu maigri, ces derniers temps, et rêve souvent. Les années où elle surveillait le sommeil des enfants cancéreux, les éveillait pour les soins du matins, avec la terreur de ne pas pouvoir, elle allait au jardin parler aux arbustes et pleurer les petits dont l’aube venait de fermer les paupières. »…..

C'est beau, délicat, tendre, humain. A lire, à relire, à offrir.

Dédale


Louis est dans le coma.
René est marionnettiste, il joue dans les hôpitaux pour distraire les enfants malades.
Ses mains racontent avec Suzy et Momo, son histoire, son passé à travers celles qu’il livre à ce garçon pour tenter d’entrer en contact avec lui. Mais l’entend t-il ?
René revient tous les jours pour aider Louis, pour s’aider lui.
L’enfance de René est marquée par des fêlures, celle de l’absence : sa mère disparue, son amour d’enfance, Halva, petite algérienne déracinée, son père aimant mais maladroit et ambigu.
René en revenant sur son passé et celui de ceux qui l’entourent cherche à se comprendre, alors il continue pour Louis, pour lui.
Je n’ai pas réussi à accompagner René, à revenir sur son passé. Je l’ai suivi mais ignorante de cette partie de l’Histoire, j’ai eu du mal à comprendre ses souvenirs entre zone d’ombre et non-dits.
L’écriture est délicate mais ne m’a pas touchée.
J’ai abandonné l’espoir d’aimer en chemin (non pas le livre) comme René lorsque Daisy est partie.
Et même le retour inopiné voire surréaliste, de Suzy sincère (quoique) m’a dérangée, et n’a pas resurgit. Je n’ai pas accroché aux mélanges de sentiments doucereux que l’auteur a distillé tout au long du roman, même si j’ai aimé le portrait de René enfant et adulte à la fois, père de son père parfois, son père maladroit, l’épisode de la boîte à clés et celle du téléviseur imposant.

« Je suis resté un moment debout au pied du lit, mon sac à la main, à scruter ce gisant, et puis je me suis accroupi, j'ai enfilé mes marionnettes. Mes mains ont fait le reste. Momo et Suzy ont été parfaits de tact et de douceur. Je ne les en croyais pas capables à ce point. »

Google


j’aime bien les romans où les personnages sont de vrais gens, de ceux que l’on rencontre au marché ou à la laverie.
Et si on les écoute ils ont tous, plein d’histoires à nous raconter, leurs histoires souvent. Superbe !
Juste une petite « pitchinette » sur les doigts pour la fin rocambolesque !

Hélène


Ce court récit adressé à un jeune garçon dans le coma est assez dense. Les passages concernant les différentes époques s'enchevêtrent, et se complètent progressivement, de sorte qu'on ne se lasse jamais. Le style est très bon : les phrases sont directes et précises, mais l'auteur me semble abuser des points de suspension...

Joël


Bon il y avait une belle trame mais c'est trop simpliste. Il perd sa mère et donc il est toute sa vie malheureux en amour ou du moins tout sa vie à la recherche de son premier amour... Je ne me suis pas prise au jeu. Aucun des personnages ne m'a vraiment émue. Il y en a trop, ils sont tous survolés (sauf peut être le père)... L'idée des marionnettes est très intéressante mais n'est pas utilisée pleinement. Je sais que beaucoup ont aimé ce livre mais j'ai eu une impression de cafouillage et je n'ai pas accroché.

Kez


Sélection du Prix Biblioblog 2007

Extrait :

[...] Ses parents venaient de mourir dans un attentat à Alger, une sœur le lui écrivait, et il tremblait à se briser les membres, le dos à la vitrine et à la nuit. Lulu est venue le prendre dans ses bras, lui caresser les cehveux, le bercer, le calmer, se mordre les lèvres de ne pas trouver un remède à ce chagrin d'apocalypse et finir par l'embrasser et lui chanter, bas à l'oreille, une chanson qu'on entendait pas. Et leur reflet brouillé dansait dans la grande vitre en façade. Peu à peu, les yeux du gamin sont revenus parmi nous et Lulu a essuyé les siens. Autour, personne n'avait dit un mot, même chez mes Parigots de naissance accoudés à leur ballon de rouge, et j'avais oublié ce que foutait d'Artagnan avec Constance Bonifacieux dans mon livre. Et papa, faux cul, arrivé sur le tard, a offert une tournée. Le cœur des hommes est ainsi paradoxal, et bat souvent à contretemps, désormais je suis payé pour le savoir. Mon père, ce salaud de raccroc, on en reparlera, quant à ma mère, à l'époque je ne souffrais pas d'elle. Non, tu comprends Louis, son absence faisait de moi un petit héros, un petit soldat du quotidien, auréolé d'abandon.
Donc je passais mes villégiatures chez Lulu. J'avais des dunes de banquettes, la grande plage de sciure devant le comptoir, la brise d'un ventilo à larges pales, des forêts de chaises, je fréquentais des populations exotiques, j'entrais en Atlantide, je m'enfonçais en Terre de Feu. Tous les personnages de mes livres d'aventures débarquaient dans la salle du bistrot. Une petite grue passée prendre un crème,, debout avant d'arpenter aux alentours, c'était la Fausta venue séduire Pardailhan, moi, et je m'esbignais, conscient du danger et de la faiblesse de mes sens, je filais à la cave par la trappe d'où j'apercevais ses dessous jusqu'au-delà des jarretières et j'en concevais des fatigues pire qu'après une chevauchée à bride abattue. Les Indiens, Sitting Bull en tête, qui venaient faire leur belote à l'apéro, je les évitais, la trouille où je pense, en me glissant dans le canyon entre zinc et crédence à verres, sous la bourrasque du ventilateur, qu'ils ne sentent pas mon odeur d'homme blancs... N'y voyaient que du feu, ces sauvages... Et puis j'avais mon héroïne immuable, ma charbonneuse inaccessible, la fatale envoûtante : Lulu...! Lulu était Antinéa, l'immortelle, indéfectiblement, la reine du royaume d'autrefois, la fascinante et je traversais le désert pour un baiser d'elle.
À compter de là, tu vois Louis, j'ai conservé des souvenir au rasoir. Tous ne sa valent pas. Mais ceux qui méritent l'exhumation de mémoire gardent des cicatrices de suicidé à l'arme blanche. Même les mots je les entends...


Éditions Joelle Losfeld - 144 pages

Du même auteur : Effroyables jardins, Aimer à peine et Et mon mal est délicieux.

Lire aussi la très belle critique de Lily