Cet homme n'est pas un fou sorti de l'asile, mais le père de Zimmerman qui réapparaît après 10 ans d'absence. Simon est devenu un vieux clochard fatigué et alcoolique. Dès le premier soir, il explique à son fils l'objet de sa visite : Emmanuel doit le tuer.

Le père et le fils vont tenter de cohabiter. Emmanuel a honte de son père, mais refuse évidemment d'accéder à sa requête. Simon quant à lui, accumule les frasques et les provocations.
Ces deux hommes, qui n'ont plus rien en commun, vont se réapprendre; tisser des liens dans la souffrance et la violence.

J'ai été assez déstabilisée par ce récit. Je trouvais l'attitude du fils très froide, impersonnelle, voir "hors de sa vie". Emmanuel voit son univers s'écrouler, mais rien ne semble le toucher réellement. Son inertie est dérangeante, et plus violente sûrement que toute réaction émotionnelle.
Et puis, j'ai fini par comprendre où l'auteur souhaitait nous emmener. Il fallait effectivement laisser le temps à chacun des protagonistes de se "renifler" pour mieux s'apprivoiser. Après tout, les dégâts de l'absence ne peuvent se résorber aussi facilement.
N'allez pas croire pour autant à une "happy end", ce serait mésestimer l'auteur. Mais, à sa façon, Emmanuel offre à son père le plus beau geste d'amour.

C'était le premier récit de Jean-Paul Dubois que je lisais. J'ai été très touchée par sa retenue dans l'écriture, sa manière de distiller les informations au travers de scènes où les regards sont plus loquaces que les dialogues. Il a parfaitement su traduire ces relations masculines, empreintes de pudeur et de brutalité.
Je me suis promis de découvrir ses autres romans. Sous peu, je vous proposerai ma lecture des "Hommes entre eux". Et qui sait, peut-être une interview verra-t-elle le jour d'ici quelques mois. En attendant, notre rédactrice Google vous propose sa lecture de Vous plaisantez, Monsieur Tanner.

Extrait :

Rico ne pesa pas lourd. Ni au début, ni au milieu, ni à la fin. Il se fit lessiver pendant tout le match et finit par miracle. Mari était vraiment un seigneur. Quand je le rejoignis aux vestiaire, je le trouvais assis dans son coin en train de renifler dans un tube.
- Ce soir, mon père était si fier de moi qu'il m'a applaudi debout.
- Ton père?
- Mon père. Il était assis au premier rang.
J'aurais aimé raconter ça dans le journal, j'aurais aimé décrire le visage triste du vainqueur, son nez plongé dans une fiole, ses mains brûlantes et couvertes de bandes. Si je m'étais laissé aller, le lendemain, Burgess m'aurait demandé si je me prenais pour Lauwrence Durrell. Alors, parmi les flagorneurs qui s'agglutinent toujours autour des vainqueurs, sur un banc du vestiaire, je grattai trois feuillets minables sur des histoires d'allonge, de jeux de jambes, de swing et de crochet, autant d'esquives misérables pour masquer la vérité : Mari perdait lentement la boule et Rico avait de moins en moins de dents. Je téléphonai mon texte au journal et raccrochai à minuit moins sept. Le vestiaire de Mari ressemblait à un buffet de gare. Il y avait de la fumée et du monde jusque dans le carré des douche. Les voix rebondissaient sur les murs.
- Je crois que tu es le moyen le plus grand de l'histoire, dis-je tout fort.
Mari me serra dans ses bras et, pendant que ses mains me tapotaient les flancs, il murmura :
- À tout à l'heure, à la pizzeria de papa.
Ses yeux étaient clairs comme de l'eau de source, et les miens au bord des larmes. Le père de Mari était mort depuis dix ans. Sa pizzeria avait été vendue six mois après le décès.

couvertures
Éditions Points - 192 pages