Elisa Robledo est une jeune femme troublante : professeur de physique théorique émérite, elle dispose en outre d'une plastique de rêve.
Pourtant, elle semble porter un terrible secret. C'est du moins ce que pense Victor Lopera, son collègue. Ses doutes se verront confirmés quand Elisa pénétrera une nuit dans sa voiture avec un couteau de boucher à la main.
Flash back de 10 ans.

Elisa vient tout juste de finir brillamment ses études. Elle est acceptée au cours d'été de l'éminent scientifique Blanes. Ce dernier étudie la théorie des cordes qui voudrait qu'une multitude de dimensions coexistent avec les trois que nous connaissons. Parmi celles qui l'intéressent, il y a ces cordes qui permettraient de voir le passé.
L'existence d'Elisa est irrémédiablement changée quand Blanes la recrute pour poursuivre ses recherches.

"L'eau que je prends n'a jamais été parcourue" (Dante). Ce sont les premiers mots de ce récit, et ils expriment parfaitement mes impressions de lectrice.
Il m'a été tout simplement impossible de me détacher de ce roman, malgré ses 500 pages. Le rythme est soutenu, palpitant; chaque rebondissement inattendu; les personnages ont suffisamment d'épaisseur et de failles pour que l'empathie fonctionne à merveille.
Mais surtout, José Carlos Somoza est un maître du fantastique et de l'indicible. Tous nos sens sont en éveil pour tenter de cerner l'invisible. L'horreur est distillée avec talent et on se prend parfois à retenir son souffle en tournant les pages.

Chaque partie du récit est introduite par une citation choisie avec justesse qui laisse le lecteur construire ses hypothèses. Bien évidemment, il y a derrière ce récit toute une réflexion philosophique sur ce que l'homme peut ou non se permettre de faire. Quand l'humain se prend pour un apprenti sorcier et que les scientifiques se substituent à un Dieu hypothétique.
Je dois d'ailleurs remercier José Carlos Somoza du fond du cœur : bien souvent, dans ce genre de roman, ce qui me déçoit particulièrement, c'est cette manie qu'ont les auteurs de verser dans le mysticisme. Non seulement José Carlos Somoza ne tombe pas dans ce travers, mais le dénouement est aussi soigné que l'intrigue, ce qui est loin d'être évident quand on choisit un tel sujet. Oui, en fermant La théorie des cordes, j'étais particulièrement heureuse de la fin que l'auteur nous propose. Elle est en parfaite adéquation avec ce qui précède.

Sans aucun doute, La théorie des cordes fera partie de mes coups de cœur de cette année 2007.

Du même auteur : La dame n°13, Le détail, Clara et la pénombre, La bouche, Daphné disparue, La clé de l'abîme, L'appât

Laurence

Extrait :

Elisa, comme toujours, fut parfaite, le visage, et même ne certaine dose d'émotion lui encerclant les yeux. Sur l'enregistrement, avec sa magnifique silhouette dessinée par le gilet et le pantalon, elle aurait pu passer pour une élève, ou peut-être pour la marraine d'honneur d'un grand événement... ou une star du porno avec son premier Oscar à la main, comme le murmurait Rafa à ses copains sur le campis : "Einstein et Marilyn Monroe enfin réunis en une seule personne", disait-il.
Cependant, un observateur attentif aurait perçu sur ce enregistrement quelque chose qui ne cadrait pas : le visage d'Elisa au début, au moment où les lumières s'allumèrent, était différent.
Personne ne fit bien attention à ce détail parce que, finalement, cela n'intéresse personne d'examiner les images de l'anniversaire d'autrui. Victor Lopera s'était toutefois rendu compte du changement figace mais important : quand la pièce s'était éclairée, les traits d'Elisa ne montrèrent pas la confusion propre à la personne surprise, mais une émotion plus complexe et violente. Bien entendu, cela ne dura que quelques dixièmes de seconde, puis Elisa sourit et fut parfaire à nouveau. Mais durant cet infime laps de temps, sa beauté s'était transmuée en un autre genre d'expression. Ceux qui virent l'enregistrement, hormis Lopera, riaient de "la grande crainte" qu'elle avait eue. Lopera remarqua autre chose. Quoi? Il n'en était pas sûr. Peut-être du mécontentement devant ce que son amie avait considéré comme une farce pas drôle, ou l'irruption d'une extrême timidité, ou autre chose.
Peut-être de la peur.

couverture
Éditions Actes Sud - 528 pages