L'histoire est connue et peut se résumer en quelques mots : Santiago, trop vieux pêcheur, n'a rien pris depuis 40 jours. À terre, son jeune ami Manolin lui tient compagnie le soir venu. Mais Santiago sent le vent tourner. Il sait, ce matin-là, en dirigeant sa barque vers le large, qu'est venu le moment de LA rencontre.

Un vieil homme, seul dans une petite embarcation, perdu au milieu de La Mar, affronte un poisson immense. Ces deux solitaires vont mener un combat de plusieurs jours, et le pêcheur soliloque pour ne pas perdre complètement la tête. Quand de sa mémoire, refait surface l'épisode de "la main de fer", le lecteur comprend que seule la mort de l'homme ou du poisson mettra fin à cette insoutenable attente.
Mais la mort n'est que le début d'autre chose. Santiago le comprendra à ses dépens.

Comme je le disais en introduction de ce billet je n'avais, sans jamais avoir lu aucune de ses œuvres, des a priori sur Ernest Hemingway. C'est un phénomène que j'ai souvent constaté avec des auteurs extrêmement connus.
Je réalise aujourd'hui à côté de quoi je suis passée pendant des années : l'écriture d'Ernest Hemingway est moderne, souple, précise. Avec un vocabulaire très simple, il nous embarque avec lui au milieu de l'Océan et on a l'impression de sentir le sel se déposer sur nos lèvres.

Une vraie belle rencontre qui m'apprendra à me méfier des idées préconçues.

Lire aussi l'avis de Marc

Du même auteur : Mort dans l'après midi

Extrait :

Il eut beau pomper tant et plus, rien ne se produisit. Le poisson s'éloigna lentement et le vieux ne put le hisser d'un centimètre. Sa ligne était solide et faite pour les grosses prises. Cependant, elle était si tendue contre son épaule que des gouttelettes en jaillissaient. Le filin émettait dans l'eau une espèce de sifflement sourd; le vieux halait toujours, s'arc-boutant contre le banc et se penchant en arrière pour mieux résister. Le bateau commença à se déplacer doucement vers le nord-ouest.
Le poisson tirait sans trêve; on voyageait lentement sur l'eau calme. Les autres appas étaient toujours au bout de leurs lignes; il n'y avait qu'à les laisser. Je voudrais bien que le gosse soit là, dit le vieux tout haut. Me voilà remorqué par un poisson à présent et c'est moi la bitte d'amarrage ! Si j'amarre la ligne trop près, il est foutu de la faire péter. Ce qu'il faut, c'est se cramponner rant que ça peut et donner du fil tant qu'il en demande. Dieu merci, il va droit devant lui, il descend pas.
"Qu'est-ce que je fais si il se met dans la tête de descendre? Je me le demande. Qu'est-ce que je fais si il coule et si il crève? je ferai quelque chose. Y a plein de chose que je pourrai faire."
Il maintenait la ligne contre son dis et guettait l'inclinaison qu'elle gardait dans l'eau; pendant ce temps-là, le bateau voguait à bonne allure vers le nord-ouest.
"Ça, ça sera sa perte, pensa le vieux. Il peut pas mener ce train-là à perpète."
Quatre heures plus tard, le poisson nageait toujours, en plein vers le large, remorquant la barque, et le vieux s'arc-boutait toujours de toutes ses forces, la ligne en travers du dos.

couverture
Éditions Folio - 154 pages