Laurent Battard, commercial dans une entreprise de vente de salons, alors qu'il se rêvait journaliste ou écrivain, occupe le plus clair de ses journées à plumer le chaland.
Quelle n'est donc pas sa surprise quand Hervé de Halleux, avocat réputé, le convoque pour lui proposer un étrange marché : écrire la biographie de son client Max Tollet, ancien homme d'affaire, emprisonné depuis trois ans pour meurtre.
Les avantages pécuniaires n'étant pas négligeables, Laurent Battard finit par se laisser convaincre. Il doit donc enquêter sur les mystérieuses circonstances qui ont conduit Max Tollet dans sa cellule. Pourquoi a-t-il défenestré Khalli Boutros, son principal concurrent, du vingtième étage du Sun Tower?
Pour le découvrir, Laurent Battard quitte sa Belgique natale et descend à Monaco, lieu du crime, où il se fait immédiatement alpaguer par Annabelle Corbisier, journaliste ambitieuse, persuadée de l'innocence de Max Tollet.

Dès le prologue (voir l'extrait), Paul Colize ferre son lecteur. Une fois l'hameçon bien accroché, il n'a plus qu'à remonter tranquillement sa proie, tout au long des 300 pages que forme son nouveau récit.

L'intrigue est extrêmement bien conçue et Paul Colize s'amuse à semer des leurres que le lecteur gobe en toute innocence. Mené par le bout du nez, on pense avoir compris, mais Paul Colize reste incontestablement le maître du jeu. Vous vous rendrez alors compte qu'il ne dévoile sa mise qu'au moment où il l'a décidé. Vous, penaud, êtes bien obligés de vous avouer vaincus.
Dans l'intervalle, les rebondissements s'enchaîneront avec un rythme effréné, et il vous sera bien difficile d'interrompre votre lecture, ne serait-ce que cinq minutes, avant le point final.

Car tout autant que l'intrigue, le style est impeccable. Je maintiens que l'auteur a une écriture fascinante : teintée d'humour, noir de préférence, elle est incisive, scandée, tout en ayant cette précision chirurgicale qui donne de la profondeur à son histoire. Chaque personnage est minutieusement étudié : ses tiques, son allure, ses failles... Petit à petit, le protagoniste quitte son enveloppe d'encre pour naître sous vos yeux en chair et en os.
Ici, le héros n'est pas un Golden Boys, mais un pauvre hère complexé et crédule. L'empathie fonctionne donc à merveille puisque le lecteur est plus à même de s'identifier à un vendeur lambda qu'à un agent secret. Mais tout le talent de Paul Colize est de nous faire croire que nous sommes plus futés que le héros...

Tout compte fait, à la fin de ce nouvel opus, une seule chose me tiraille : comment se fait-il que Paul Colize doive une fois encore auto-publier son roman? Quand je constate la faiblesse d'intrigue et d'écriture de certaines parutions de romans noirs, je ne comprends pas que nos éditeurs n'aient pas encore sollicité cet auteur de talent.
J'entends déjà certains me dire que je ne suis pas vraiment objective, et je leur répondrai ceci : depuis que j'ai découvert cet auteur, j'ai dû prêter mes exemplaires à une dizaine de personnes différentes. À chaque fois qu'elles m'ont rapporté les livres, leur enthousiasme était identique. Ce qui est un exploit en soit, puisque je les ai prêtés à des lecteurs très différents. De la fana de polars, à celui qui n'en lit jamais, tous ont été étonnés que Paul Colize n'ait toujours pas été publié par une grande maison d'édition. Alors si un éditeur passe par ici, je me ferai alors un plaisir de lui transmettre les coordonnées de cet auteur hors-pair. En attendant vous pouvez commander son livre en suivant ce lien.

Du même auteur : Back-Up, Le valet de cœur, Les sanglots longs, Clairs obscurs, Le seizième passager, La troisième vague, Le baiser de l'ombre

Extrait :

L’homme se dirigea vers la porte qui accédait à la terrasse, seule issue qu’il entrevoyait pour se soustraire à la pluie de coups qui s’abattait sur lui.
Jamais il n’aurait dû lui faire confiance.
Il savait pourtant qu’il est des hommes que rien n’arrête. Il se maudit de n’avoir pris aucune précaution, d’avoir accordé son jour de repos à François, de n’avoir gardé aucune arme à portée de main.
En son for intérieur, il pesta aussi contre son excès de poids, sa déplorable condition physique et ses muscles atrophiés qui l’empêchaient à présent d’opposer la moindre résistance.
Hébété, aveugle, le visage en sang, il émergea sur la terrasse. Il espérait pouvoir attirer l’attention de l’un ou l’autre résident sorti pour profiter de la douceur de cette soirée de printemps.
Il parvint jusqu’au parapet et s’y cramponna. Au travers d’un nuage rougeâtre, il distingua les lumières de la ville en contrebas.
Hurler.
Son ultime espoir.
Aucun son ne sortit de sa bouche.
Brusquement, il sentit qu’on le saisissait par les chevilles. Il fut soulevé et arraché du sol. Vainement, il tenta de faire volte-face pour s'agripper à son assaillant.
Lentement, comme dans un film au ralenti, il vit basculer son corps.
Il devina le vide sous lui.
Un vide qui l’attirait inexorablement.
Ses mains lâchèrent prise.
Les ténèbres le happèrent.
Durant la chute, il sentit qu’un vent léger lui caressait le visage.

couverture
Éditions MMS - 296 pages