Notre jeune Ariane vient de finir ses années collège et s'apprête à entrer au lycée. Un été pour faire le point et permettre d'aborder sereinement ce passage essentiel de la vie adolescente.
La fin du collège, un événement en soi. Au côté d'Ariane, on se rappelle ému de notre propre entrée en sixième, de ce rêve de tous les possibles et des déceptions inhérentes à de telles attentes. Ariane Fornia dissèque ses années avec humour, passant en revue les relations fratricides entre élèves, les professeurs plus ou moins passionnés par leur matière, les fameuses séances d'orientation qui avaient comme intérêt majeur de nous faire rater quelques cours.
Une fois le dernier jour passé, il faut attendre patiemment les deux mois estivaux avant de pouvoir échafauder de nouvelles espérances sur ce lycée tant attendu. Ressurgissent alors les difficultés de cohabiter avec ses géniteurs qui ne voient pas leur progéniture grandir; les journées qui s'éternisent entre farniente et ennui; les fêtes de village à l'ambiance franchouillardes qui rebutent n'importe quel adolescent digne de ce nom.
Enfin, le jour de l'entrée en seconde arrive ! Mais la réalité sera-t-elle à la hauteur de l'attente?

Dieux est une femme, l'année de mes quatorze ans respecte le genre du journal intime. Une narration à la première personne, le compte rendu des journées comme un prétexte aux questionnements existentiels, quelques passages de présent d'énonciation pour interpeller le lecteur et justifier certains propos.
Ariane Fornia avait, rappelons-le, 14 ans au moment de la publication de ce livre. Et je trouve que cela se sent. Non pas dans l'écriture, qui est maîtrisée, fluide et plutôt surprenante pour son jeune âge, mais dans le contenu. Passé la surprise de lire le roman d'une adolescente, on peine à s'enthousiasmer pour les crises existentielles de la narratrice. Si j'avais beaucoup aimé le mordant et le recul dont Ariane Fornia faisait preuve dans Dernière morsure, je n'ai pas retrouvé ici la même tonalité acerbe et jouissive. J'ai décroché bien trop souvent de ce journal de bord un peu longuet. Mais, finalement, je me dis que le plus important est que ce soit son premier et non son dernier ouvrage qui m'ait déçue. En effet, cela prouve qu'Ariane Fornia a mûri et cela est de bonne augure pour ses prochains romans.
Si vous ne connaissez pas cette auteure, je vous conseille donc de lire Dernière morsure, qui est un petit bijou d'humour vachard.

(Lire aussi les avis de Lhisbei ou Alain)

Ne ratez pas son interview pour le Biblioblog.
Du même auteur : Dernière morsure et La déliaison

Laurence

Extrait :

J'ai treize ans. Je suis une adolescente. Je sais déjà que ces deux phrases ont engendré comme pensée! (Je suis oisive, ingrate, vulgaire et boutonneuse.) C'est vrai que beaucoup de jeunes filles sont loin d'être "des fleurs en train d'éclore pour révéler la beauté d'une adulte". À notre âge, la famille est censée devenir insupportable, il serait normal que je pique les affaire de ma mère : c'est mon dû. Que le les abîme (je veux bien être encre enfant si ça peut m'excuser). Que je fasse monter la production mondiale de lessive (l'image de marque est importante, remettre deux jours de suite les mêmes vêtements seraient une hérésie). Que mes géniteurs servent de taxi. Que je me comporte en parasite, excusée par le charmant sourire que j'avais enfant. Et puis j'ai pas choisi de naître de toute façon. J'ai le droit de considérer que le système est pourri. Et de le clamer haut et fort à coups de tags et d'insultes. Je m'émancipe, je ne veux pas être la copie de tous ces gens que je méprise.
Je vais passer des heures devant le miroir à me plaindre des disgrâces de la nature. Mais vous avez intérêt à me seriner le contraire. Malgré vos louanges, je vais légitimement m'énerver contre vous, vous traiter de ringard borné et aveugle, qui ne constate pas l'ampleur de ma hideur. Mais, si vous ne me couvrez pas d'éloges, je me sens mal aimée, donc j'ai le droit de tout vous faire subir. Quand je déprime, si vous vous intéressez à moi, je vous ordonne de me foutre la paix. Mais si vous osez ignorer mes tourment, je vous hais.

couverture
Éditions Denoël - 211 pages