Helen Hanff, auteure new-yorkaise, désespérait de trouver un bouquiniste, quand une annonce dans le Saturday Review of Litterature arrête son regard : la librairie Marks & Co semble correspondre à ses attentes. Seul petit bémol, elle se situe au 84, Charing Cross Road.... à Londres!

Qu'à cela ne tienne ! Il en faudrait plus décourager notre amoureuse des livres. Commence alors une correspondance entre le libraire et la romancière, correspondance qui durera plus de 20 ans.

Les lettres, plutôt courtes dans leur ensemble, évoquent les livres, bien sûr, mais également les restrictions alimentaires de l'Angleterre des années 50, les problèmes financiers et professionnelles d'Helen, son désir inassouvi de poser un pied sur le sol anglais.

Peu importe en fait ce qui se dit dans ces lettres. Ce qui m'a le plus touchée, c'est l'humour sans faille d'Helen. Le style est vif, direct, et même parfois étonnamment familier.
Et puis, à travers cette correspondance, et malgré l'éloignement géographique, transparaissent des liens étroits entre cette new-yorkaise un peu excentrique et les salariés de la librairie.

Oui, je crois que c'est cette amitié infaillible entre des personnes qui ne se sont jamais rencontrées qui m'a le plus interpellée. Sans en prendre conscience, j'ai très vite fait le rapprochement avec ce que je vis depuis que j'ai ouvert ce lieu : des liens qui se tissent autour d'une passion commune et qui parfois vont au-delà de la simple correspondance. Depuis trois ans (bientôt), j'ai rencontré quelques personnes qui aujourd'hui me sont très chères, j'ai échangé des mails avec des lecteurs aussi fous que moi, des livres voyages à travers les réseaux de la poste....
Presque 50 ans avant nous, Helen Hanff confiait ses impressions littéraires et avait su créer une relation durable avec des personnes qu'elle ne verrait jamais.

Lire aussi les avis de Allie, Papillon, Yueyin, Chimère, Majanissa, Lhisbei, Kalistina et Émeraude. Ouf ! quand je vous disais que tout lecteur se devait de l'avoir lu ! :-D

Extrait :

14 East 95th St.

25 mars 1950

Eh, Frank Doel, qu'est-ce que vous FAITES là-bas? RIEN du tout, vous restez juste assis à ne RIEN faire.
Où est Leigh Hunt? Où est l'Antologie d'Oxford de la poésie anglaise? Où est la Vulgate et ce bon vieux fou de John Henry? Je pensais que ça me ferait une lecture si roborative pour le temps du carême, et vous, vous ne m'envoyez absolument RIEN.
Vous me laissez tombez, et j'en suis réduite à écrire des notes interminables dans les marges de livres qui ne sont même pas à moi mais à la bibliothèque. Un jour ou l'autre ils s'apercevront que c'est moi qui ai fait le coup et ils me retireront ma carte.
Je me suis arrangée avec le lapin de Pâques pour qu'il vous apporte un Œuf, mais quand il arrivera chez vous il découvrira que vous êtes morts d'Apathie. Avec le printemps qui arrive, j'exige un livre de poèmes d'amour. Pas Keats ou Shelley, envoyez-moi des poètes qui peuvent parler d'amour sans pleurnicher - Wyatt ou Jonson ou autre, trouvez vous-même. Mais si possible un joli livre, assez petit pour que je le glisse dans la poche de mon pantalon pour l'emporter à Central Park.
Allez, restez pas là assis ! Cherchez-le ! Bon sang, on se demande comment cette boutique existe encore.

couverture
Éditions Le Livre de Poche - 156 pages