Porteurs d’Âmes, c’est le destin croisé de trois personnages venant de mondes totalement opposés.
Il y a tout d’abord Léonie, jeune femme de 20 ans enlevée très tôt à ses parents, au Libéria, pour finir en France entre les mains d’un réseau pédophile.
Sans identité, sans ressources, lorsqu’elle s’échappe elle doit apprendre à vivre, tout simplement, et pour gagner un peu d’argent elle va dans un laboratoire tester une nouvelle molécule qui a une tendance fâcheuse à provoquer des troubles d’ordre schizophrénique.

Cyrian, lui, traîne son mal être sur les bancs de l’Ecole Européenne des Supérieure des Sciences. Issu d’une famille bourgeoise, papa vendeur d’armes et maman qui se donne une conscience dans l’humanitaire, il désir plus que tout rentrer dans cette confrérie secrète qui refait le monde : les Titans. Surtout, il veut à tout prix essayer cet ultime voyage dont on lui parle, ce saut dans le vide qu’est le transfert d’âme dans un corps d’emprunt, comme un voyageur clandestin.

Edmé, enfin, se consacre à l’agonie de sa vie. Quinquagénaire taciturne, second de groupe à la Crim’, il est la risée de ses collègues et un poids mort pour l’administration. Son entêtement étrange à élucider le mystère entourant le charnier découvert sous la Marne bouleverse sa vie et le conduit à des découvertes de plus en plus dangereuses pour lui et la femme qu’il découvre à ses côtés.

Ce roman d’anticipation m’a séduit. D’abord parce que je continue de découvrir cet auteur avec beaucoup de plaisir et aussi parce que les critiques récurrentes sur la société vont dans ma propre vision des choses…
Ceci dit, je rapprocherai ce roman des Thanatonautes de Bernard Werber, dans la conception du transfert des âmes et la quête sous-jacente de l’immortalité. C’est une référence qui m’est venu en écho pendant la lecture et je trouvais la comparaison intéressante.
Concernant le roman en soi, j’ai assez rapidement et facilement fait le lien entre Cyrian et Léonie, l’histoire était pour moi cousue de fil blanc, surtout lorsque l’imaginaire peut se raccrocher à d’autres livres ou films sur le même thème (L’Aventure Intérieure, pour ne citer que lui…).
En revanche, j’ai été incapable de faire le lien avec Edmé, ce qui fait que j’ai poursuivi ma lecture ne serait-ce que pour voir où le trio se croisait. Et bien m’en a pris. Mais je ne vous en dirai pas plus… (ouh que je suis méchant).

Sinon, cette histoire recouvre tous les thèmes chers à Bordage et que les autres critiques ont pu aborder : la sexualité, l’amour, la société, les relations humaines, l’emprisonnement…

Au final, c’est un roman qui m’a fait voyager et que je conseille, juste pour le plaisir de se découvrir tels que nous sommes : des êtres humains.

Ne manquez pas l'interview exclusive que Pierre Bordage nous a accordée.

Du même auteur : L'évangile du serpent, Les derniers hommes, Abzalon, Orchéron, Les guerriers du silence, Le feu de Dieu, Les fables de l'Humpur

Par Cœur de chene

Extrait :

Elle avait obtenue le rendez-vous.
Elle se demande, lorsqu’elle arrive à l’adresse indiquée, si elle ne s’est pas trompée : l’aspect lugubre du quartier et le délabrement du bâtiment n’ont rien de médical, rien de rassurant. Elle finit par pousser la porte. Les deux techniciens, lunettes, blouses blanches, l’accueillent avec des sourires professionnels, les hiboux. Leur jeunesse l’étonne. Ils la questionnent un long moment, voulant s’assurer que rien ne l’empêchera d’être présente au second rendez-vous fixé quatre jours plus tard, à 15 heures précises.
« La précision fait partie du protocole, vous comprenez ? »
Elle acquiesce avec une application d’écolière passant un oral. Ils lui ordonnent de s’allonger sur un lit, plutôt un cercueil métallique qu’un lit, non, pas besoin de vous déshabiller, ils lui posent sur la tête une sorte de casque vibrant et criblé de points lumineux, lui injectent une solution pour la détendre, puis, tandis qu’elle sombre dans une torpeur rêveuse, ils lui font une deuxième piqûre. Elle ne ressent rien de particulier, l’impression, peut-être, d’être traversé par une vague dont elle perçoit toujours l’écume. Les effets du sédatif s’estompent, elle peut se lever. Les techniciens lui recommandent de ne parler de l’expérience à personne : une guerre sans merci est déclarée entre les laboratoires pharmaceutiques, on travaille dans le plus grand secret, presque dans la clandestinité, raison pour laquelle on a choisi de s’installer dans des bâtiments frappés d’alignement. A personne, hein, sauf à quelqu’un qui, comme elle, consentirait à jouer les cobayes – elle recevra dix pour cent de mille cinq cent euros pour chaque candidat venant de sa part.

couverture
Éditions Au Diable Vauvert - 501 pages