Le narrateur enfant chétif puis, adolescent et enfin adulte raconte son histoire, celle de ses parents -Maxime et Tania, athlètes et sportifs accomplis- ; (se)raconte des histoires –comme son frère imaginaire, fort et beau-, celles tues par sa famille dans l’Histoire. Et enfin un secret.
Le livre commence ainsi : « Fils unique, j’ai longtemps eu un frère. Il fallait me croire sur parole quand je servais cette fable à mes relations de vacances, à mes amis de passage. J’avais un frère. Plus beau, plus fort. Un frère aîné, glorieux, invisible. » J’ignore pourquoi ce roman m’a touchée, peut-être que…mais j’ai continué ma lecture jusqu’au bout même si j’ai eu du mal à entrer dans la vie si intime de l’auteur/narrateur.
Puis, j’ai finalement écouté ses confidences, pour à mon tour (re)cueillir un secret.
Toutes ces choses cachées durant son enfance, puis qui au fil des lignes prennent corps.
Le corps, les corps ou plutôt son propre corps est d’ailleurs l’obsession du narrateur -comme celle de sa mère dessinatrice, qui croque des silhouettes fluides d’abord puis aux traits vigoureux-, pendant une grande partie de son enfance jusqu’à la révélation « Grâce à Louise ma poitrine s’était élargie, le vide sous mon plexus s’était atténué, comme si la vérité y avait été jusque-là inscrite en creux. » L’auteur aujourd’hui, psychanalyste soigne le dedans du corps pour aider ses patients.

Mon père est sorti de sa chambre pour dîner avec nous. Au moment où je partais me coucher il m’a arrêté, d’une pression légère de sa main sur mon épaule. Je l’ai serré dans mes bras, ce que de ma vie je n’avais encore jamais fait. Son corps m’a paru frêle, celui d’un homme âgé que je dominais maintenant d’une tête. Me sentant étrangement fort je n’ai pas versé une larme, la mort de notre chien avait été l’occasion d’un nouveau retournement : je venais de délivrer mon père de son secret.

Ah, je vous voir faire la moue, ma chronique est bancale, brouillonne...
Oui, c’est vrai. Mais j’ai beaucoup de mal à vous livrer mes impressions.
C’est comme un puzzle qui se met en place lentement jusqu’au dénouement et même après la dernière phrase : « Ce livre serait sa tombe. »
Tout est écrit, tout est là et pourtant, derrière chaque mot, chaque phrase, chaque mouvement de page, il y a encore beaucoup de choses. Des silences, des absences, des absents, des questions non posées, une (re)construction et ce secret enfin dévoilé.

Oui, c’est ce mot le fil conducteur du livre et qui attendait un signe : «Mais cette blessure m’apporta bien davantage qu’une gloire éphémère, elle fut le signe que Louise attendait.»
Louise, c’est celle qui sait, qui tait puis qui dit, qui dévoile. Comme elle soulageait avec ses mains les maux de ces habitués, elle soulage alors ainsi sa conscience (peut-être ?), des mots trop longtemps tus, comme « cet insigne, lourd au point d’accentuer sa démarche cahotante », et permet au narrateur de se construire, enfin…

Voilà, je ne peux en dire plus sans en dévoiler trop.

J’ai longtemps été un petit garçon qui se rêvait une famille idéale. A partir des rares images qu’ils me laissaient entrevoir j’ai imaginé la rencontre de mes parents. Quelques mots lâchés sur leur enfance, des bribes d’informations sur leur jeunesse, sur leur idylle, autant de parcelles sur lesquelles je me suis jeté pour construire mon improbable récit. J’ai dévidé à ma façon l’écheveau de leur vie et, de même que je m’étais inventé un frère, j’ai fabriqué de toutes pièces la rencontre des deux corps dont j’étais né, comme j’aurais écrit un roman.

J’ai aimé la façon si particulière de l’auteur à dérouler le fil de son secret. Une écriture peut-être froide, distante, où tout est pesé, mesuré et pourtant si emprunte d’amour. Des mots simples et justes pour de si vrais et douloureux souvenirs. Sereinement, tranquillement… L’émotion est comme contrôlée mais bien présente même lors de la révélation, des révélations puis tout le long du livre, au détour d’une phrase, d’une impression, d’un mot, d’un nom...même de l’indicible. L’alternance du temps utilisée, curieuse façon de (entre)mêler le temps passé au présent et le présent au temps passé, m’a paru étrange. Le présent fige dans le temps l’histoire passée de ses parents, enfin j’imagine tandis que le passé composé ou l’imparfait engloutit l’histoire présente parce qu’une nouvelle histoire a commencé pour le narrateur. Je ne sais pas ce que signifie cette utilisation de la conjugaison à contretemps, j’ai presque envie de dire, mais pourtant, le récit construit de cette si particulière manière est peut-être aussi une de ses forces.
Ah, et je m’aperçois que je n’ai pas parlé du petit chien en peluche aux yeux de bakélite et du cimetière des chiens, ni d’Echo alors lisez Un Secret

Du même auteur : La mauvaise rencontre

Par Google

Extrait :

J’ai ajouté de nouvelles pages à mon récit, nourries par les révélations de Louise. Une seconde histoire est née, dont mon imagination a rempli les blancs, une histoire qui ne pouvait cependant effacer la première. Les deux romans cohabiteraient, tapis au fond de ma mémoire, chacun éclairant à sa façon Maxime et Tania, mes parents, que je venais de découvrir.

Phrases préférées:

Aussi longtemps que possible, j’avais retardé le moment de savoir : je m’écorchais aux barbelés d’un enclos de silence.

Un «m» pour un «n», un «t» pour un «g», deux infimes modifications. Mais «aime» avait recouvert «haine», dépossédé du «j’ai» j’obéissais désormais à l’impératif du «tais».

Dans ses pages reposerait la blessure dont je n’avais jamais pu faire le deuil.

couverture
Éditions Grasset & Fasquelle - 192 pages