Le Gladiateur vient d'être retrouvé assasssiné dans l'ascenseur de son immeuble. Aussitôt, la police soupçonne Amedeo qui a mystérieusement disparu après la découverte du corps. Pourtant, aucun habitant de l'immeuble ne veut croire à sa culpabilité. Chacun leur tour, ils vont déposer leur témoignage au commissariat pour disculper Amedeo et donner leur version de l'affaire. Et bientôt, plus que le nom du meurtrier, le lecteur se demande qui est réellement cet Amedeo caméléon... Est-il Italien comme tout le monde le suppose, ou immigré comme le soutient la police? Quel est son rôle dans l'assassinat du Gladiateur? Et surtout, comment fait-il pour réunir le soutien de tous ses voisins, alors que ceux-ci ne peuvent pas se supporter mutuellement? Amedea jouerait-il un double jeu?

Il s'agit donc d'un roman chorale, genre que j'affectionne particulièrement. À travers la diversité des styles et des personnalités (il n'y a pas moins de 11 témoignages), le lecteur découvre la vie de cet immeuble romain, où italiens et immigrés se côtoient parfois avec difficulté. Chaque récit est entrecoupé du journal intime d'Amedeo qui offre une nouvelle interprétation du témoignage qui le précède.

Amara Lakhous, né à Alger mais vivant à Rome depis 1995, profite de ce roman un peu loufoque pour dénoncer le racisme ambiant qui sévit à Rome : les Romains qui ne supportent pas les Napolitains, les Italiens qui se méfient de tout ceux qui sont nés en dehors de la péninsule, les Algériens qui condamnent le comportement des Tunisiens etc....
Rome est une ville multiethnique, mais la cohabitation ne se fait pas toujours sans mal. Avec un humour irresistible, Amara Lakhous met en exergue les travers de ces concitoyens. L'écriture est délicieuse, enlevée, cynique. C'est une vrai farce italienne, sous couvert d'enquête policière, qu'il offre à ses lecteurs.

J'ai vraiment beaucoup ri en lisant ce roman. J'ai retrouvé la fébrilité et ces récits en mouvements perpétuels, spécifiques à la littérature italienne. Et, chose appréciable, l'enquête est à la hauteur du style. L'éditeur nous annonce une future adaptation cinématographique. Il me tarde maintenant de voir tout cela en images.

Extrait :

La vérité selon Iqbal Amir Allah

M. Amedeo n'est pas un Italien comme les autres : il n'est pas faciste, je veux dire, ce n'est pas un raciste, il ne hait pas les étrangers comme ce salaud de Gladiateur qui nous méprisait et nous humiliait tous. Pour vous dire la vérité : ce fils de pute n'a eu que ce qu'il méritait. Même la concierge napolitaine est raciste, parce qu'elle ne me laisse pas me servir de l'ascenseur pour livrer leurs courses aux habitants de l'immeuble qui sont mes clients. Elle me déteste sans raison et ne me répond pas lorsque je la salue. Elle le fait même exprès pour me vexer quand elle m'appelle : "Hé, le Pakistanais !" Je lui ai dit plusieurs fois : "Je suis bangladeschi, et je n'ai rien à voiravec le Pakistan, bien au contraire, ma haine des Pakistanais est sans limites." Pendant la guerre d'indépendance de 1971, les soldats pakistanais ont violé nombre de nos femmes. Je me souviens de ma pauvre tante qui s'est suicidédée pour ne pas attirer la honte sur notre famille. Ah, si nous avions la bombe atomique ! Moi je dis que les Pakistanais mérient de mourir comme les Japonais pendant la seconde guerre mondiale. Sans parler du professeur milanais qui m'a carrément demandé de lui faire voir un permis de séjour spécifique pour se servir de l'ascenseur.

couverture
Éditions Actes Sud - 144 pages