De nos jours, l’ethnologue Franklin Adamov découvre en plein milieu de l’Amazonie une statue apparemment ancienne, représentant un homme assis armé d’une épée. Sans autre élément, cela pourrait paraître normal, du moins acceptable. Cependant, si l’on précise que l’homme représenté est clairement de type européen, que l’on peut relever sur la garde de l’épée l’inscription « MALHORNE » en caractères latin et que malgré tout la statue est datée du XVème siècle… Cela est impossible.

Le mystère s’épaissit encore lorsqu’une fondation aux moyens illimités lui offre son aide et qu’il découvre une seconde statue, en tous points identiques, à l’autre bout du monde.

En révéler plus serait révéler tout le roman et pourtant, la peur de ne pas en dire assez pour accrocher me tenaille.

Il ne s’agit pas de fantasy, ni de SF. Le monde présenté est bien tangible, puisqu’il est le nôtre, quotidien. Cependant, l’auteur réussit par un tour de force incroyable à nous faire basculer dans le doute, le questionnement, la remise en cause de pas mal de principes et de préceptes que nous pensions acquis… Bon, s’il faut vraiment le classifier, je ne vois que le fantastique…

Car c’est un roman fantastique ( :p). L’histoire m’a pris tout à fait au dépourvu.

J’ai croisé ce roman plusieurs fois dans les rayons avant de me décider et de repartir avec. Bien m’en a pris ! Je n’ai pas été déçu. Mieux, j’ai été happé par l’histoire. Voire, l’Histoire… En effet, l’auteur montre une certaine culture et a du mener des recherches précises pour pouvoir écrire ces pages. Et pour écrire la suite.

Plus qu’une longue description du bien-fondé de cette lecture, je ne peux que vous livrer un des passages clé.

Bonne lecture !

Par Cœur de chene

Extrait :

La machette remplaça la pagaie. Ce nouvel outil forçait le bras à accomplir un geste guère différent du précédent. La main s’élevait davantage, ce qui obligeait l’épaule à effectuer un effort plus important.
En ligne droite sur la carte, la distance qui les séparait de leur objectif n’excédait aps cinquante kilomètres, mais la forêt ne se livra que pas à pas.
Les deux premières journées de marche furent les plus pénibles. Ils durent tailler leur chemin dans une partie de la vallée de l’Amazone où la végétation est particulièrement dense. Trop lourdement chargé de son sac, d’un fusil et du matériel d’étude, l’homme de tête capitulait au bout d’un quart d’heure d’abattage, aussitôt remplacé.
Par la suite, le terrain s’éleva peu à peu jusqu’aux plateaux qui dominent la vallée. En de rares endroits découverts, ils purent apercevoir l’immense forêt étale en contrebas où scintillait en mille feux le ruban argenté du fleuve. Ce spectacle valait à lui seul ce long périple mais laissait au contemplatif le goût amer de son isolement et de sa vulnérabilité.
Leur marche forcée les amena en une semaine sur les hauteurs qu’ils recherchaient. Le plateau de la photo satellite s’étendait sur une dizaine d’hectares et, à l’exception de trois arbres qui en occupaient le centre, était totalement nu.
En y regardant mieux, José aperçut deux tâches sombres sur le sol.
- Regarde par là, dit-il à Franklin en pointant son doigt. Voici nos feux, ou du moins ce qu’il en reste.
Franklin laissa ses compagnons accroupis autour des restes de feux pour se diriger vers le bosquet qui se trouvait à un jet de pierre. A cette distance, il distinguait une vague forme plus sombre sous la frondaison. Il pensa d’abord à un rocher mais en approchant, il se rendit compte qu’il s’agissait de tout autre chose : une statue. Ce qui l’étonna le plus ne fut pas de trouver cet objet au cœur d’une civilisation qui n’en produisait que très peu. Ce qui l’abasourdit vraiment fut de constater que l’homme assis, représenté par cet artefact, tenait entre ses mains une longue épée de type médiéval.
Franklin resta planté longtemps devant cette découverte sans esquisser le moindre geste. Puis il en fit lentement le tour. La statue reproduisait un homme presque nu, assis sur la matière dans laquelle il avait été sculpté, vraisemblablement un bois pétrifié. La lame de l’épée plantée entre ses jambes disparaissait à mi-course dans la masse du bloc de pierre. Légèrement plus haute que Franklin, la tête culminait à un mètre quatre-vingt-dix au-dessus du sol. S’il avait pu se lever, cet homme minéral aurait dépassé trois mètres.
Curieusement, le dos de la statue ne représentait aucun détail. Un peu en dessous des épaules, le bois fossilisé formait un parallélépipède sur une longueur d’un mètre. Comme un piédestal mal placé contre lequel l’homme pétrifié aurait pu se tenir.
José s’approcha de Franklin, lui aussi médusé par ce qu’il voyait.
- Qu’est-ce que ça fout ici ? se demanda-t-il à voix haute.
- Pas la moindre idée, souffla Franklin. Mais c’est magnifique. Il faut absolument la dater.
José sortit un minuscule appareil photo numérique de son sac et s’employa à immortaliser la statue sous tous les angles possibles. Rentrés dans un ordinateur, les clichés lui permettraient d’en réaliser une réplique en volume.
- Visage caucasien, c’est certain, marmonna-t-il, l’œil rivé derrière son appareil. Et c’est historiquement très embarrassant.
- Je vois où tu veux en venir, mais pas de précipitation. Datons d’abord, on commentera ensuite.
Sur la garde de l’épée, à moitié cachées sous les mains jointes du gardien, Franklin observa des lettres en partie illisibles.
- Un point pour toi, José. Celui qui a sculpté cette statue connaissait l’alphabet.
- Tu arrives à lire ce qui est gravé ?
- Pas tout. Ça ressemble à une signature. Il faudrait la nettoyer pour déchiffrer sans erreur. Mais je suis à peu près certain de O, L et H. le reste est recouvert de mousse.
- Qui ? Quand ? Et pourquoi ? énonça José. Ça semble tellement incongru.
De la pointe d’un canif, Franklin préleva un fragment de pierre dans le dos de la statue.
- Voilà qui répondra peut-être à notre retour à l’une de tes questions.

couverture
Éditions Bragelone - 489 pages