Encore une fois, si vous permettez date de 1998, trente ans après la création des Belles-sœurs. Cette pièce met en scène le Narrateur et sa mère Nana qui se retrouvent à plusieurs âges (le Narrateur a respectivement 10, 13, 16, 18 et 20 ans) dans un dialogue empreint de la tendresse rude qui caractérise plusieurs des personnages de Tremblay. On retrouve ici la mère inspiratrice, imaginative, amoureuse des romans et des téléthéâtres qui nourrit ainsi la créativité de son fils. Ce texte est aussi la trace d’une relation qui s’achèvera trop tôt, la mort y ayant son mot à dire, et un hommage à cette mère qui n’aura jamais vu son fils «passer de l’autre côté, du côté des artistes.»

J’ai très peu à dire sur cette pièce qui, pour l’essentiel, m’a enchantée même si, sur papier, la fin me semble un peu décevante. Mais bon ! n’ayant jamais vu la pièce montée, je ne peux pas préjuger du succès de la mise en scène de la finale. C’est une pièce sur les relations parent-enfant que j’ai trouvé très touchante, intemporelle malgré le fait qu’elle soit aussi le reflet d’une période très précise de l’histoire québécoise. C’est sûrement une des plus grandes forces de Tremblay que d’arriver à mettre en scène des personnages aussi culturellement ancrés et aussi universels dans leurs émotions.

Par Catherine

Du même auteur :Hotel Bristol New-York N.Y. , Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges, Albertine en cinq temps, Les belles-sœurs, Hosanna, Le vrai monde?, La grosse femme d'à côté est enceinte, Le cœur découvert, La traversée du continent, Douze coup de théâtre, Un ange cornu avec des ailes de tôle et Pièce à conviction (entretien avec Michel Tremblay)

Extrait :

NANA. En tout cas, ici pis la France, c’est pas pareil !

LE NARRATEUR. C’est ça que je voulais savoir !

NANA. Fais-moi pas dire des affaires que j’ai pas dit, là !

LE NARRATEUR. Tu viens de le dire que la France pis ici c’est pas pareil !

NANA. J’ai pas voulu dire que les Français abandonnent tout le temps leurs enfants sur le parvis des églises, là, va pas répéter ça, j’te connais, tu peux aller bavasser ça partout, pis j’vas passer pour une méchante femme ! Les Français, y font peut-être ça juste dans les livres.

LE NARRATEUR. Les livres, c’est pas supposé de ressembler à ce qui se passe pour vrai ?

NANA. Tu joues avec ma patience, là…

LE NARRATEUR. J’joue pas avec ta patience, j’te pose une question !

NANA. Que c’est que tu veux que j’te réponde ? Chus pas une spécialiste de la littérature, moi ! J’me contente de lire des livres, de suivre l’histoire qu’on me conte, de brailler quand c’est triste, pis de rire quand c’est drôle. J’me pose pas des questions jusqu’à demain chaque fois que je finis une phrase ! J’me rendrais jamais au bout d’un chapitre. J’sais quand une histoire est à mon goût ou non, pis j’lis le livre ou non, c’est toute ! J’m’en sacre, si les Français abandonnent leurs enfants ou pas, d’abord que l’histoire de Patira me fait pleurer ! Pis laisse-moi te dire que j’ai tellement pleuré en lisant Patira que je pensais d’avoir perdu dix livres quand j’ai eu fini, ça fait que j’étais très contente !

couverture
Éditions Léméac - 67 pages