Kambili a quinze ans, et le monde se limite pour elle aux murs de la luxueuse résidence d’Enugu, au Nigeria, où elle vit avec ses parents et son frère Jaja. Son père, Eugène, est une personnalité complexe : riche notable, sa générosité et son courage politique en font le héros de sa communauté. Mais c’est aussi un catholique fondamentaliste, qui vit dans l’obsession du péché, et pour qui les sévices corporels – envers sa femme comme envers ses enfants – trouvent leur justification dans la foi.

Quand un coup d’Etat survient, Eugène est contraint d’envoyer Kambili et Jaja chez leur tante, professeur d’université et mère célibataire. Les deux adolescents y découvrent un foyer bruyant, animé, plein de rires et d’échanges. Il faudra du temps et de l’amour, l’amour de leur Tatie Ifeoma, celui du jeune Père Amadi, pour que Kambili et Jaja réapprennent à discuter, à sourire, à chanter, à partager.
Et lorsqu’ils reviendront sous le toit paternel, le conflit sera inévitable.

L’Hibiscus pourpre est un roman bouleversant sur la fin de l’innocence et l’émancipation, sur fond de violences domestiques et de turbulences politiques. Chaque personnage est dessiné avec justesse ; et l’amour et la fascination de Kambili pour son père, malgré les coups, sont particulièrement troublants. Le récit se déroule dans une langue fluide et tendue vers le drame final, inattendu. Si le sujet peut paraître difficile, il est traité avec pudeur et sensibilité, et Chimamanda ne verse ni dans le misérabilisme ni dans le pathos.

Par Nezdepapier

Extrait :

J’étais dans ma chambre après le déjeuner, en train de lire le chapitre V de l’Epître de Jacques parce que j’allais parler des racines bibliques de l’onction des malades pendant le temps familial, quand j’entendis les bruits. Des coups rapides et lourds sur la porte gravée à la main de la chambre de mes parents. Je m’imaginai que la porte s’était coincée et que Papa essayait de l’ouvrir. Si je l’imaginais assez fort, alors ça deviendrait vrai. Je m’assis, fermai les yeux et me mis à compter. Compter donnait l’impression que ça ne durait pas si longtemps que ça, que ça n’était pas si grave. Parfois, c’était fini avant que j’arrive à vingt. J’en étais à dix-neuf quand les bruits cessèrent. J’entendis la porte s’ouvrir. Les pas de Papa sur les marches étaient plus lourds, plus gauches que d’habitude.
Je sortis de ma chambre au moment où Jaja débouchait de la sienne. Debout sur le palier, nous regardâmes Papa descendre. Maman était jetée sur son épaule comme les sacs de riz en jute que les ouvriers de son usine achetaient en gros à la frontière à Seme. […]
« Il y a du sang par terre, dit Jaja. Je vais chercher la brosse à la salle de bains. »
Nous nettoyâmes le filet de sang, qui s’étirait jusqu’en bas comme si quelqu’un avait descendu un bocal d’aquarelle rouge percé, qui aurait dégouliné tout du long. Jaja frottait, et moi j’essuyais.

couverture
Éditions Anne Carrière - 420 pages