Plusieurs années plus tard, une, deux puis trois personnes meurent de façon bien mystérieuse. Tous ces décès semblent être naturels, si on croit qu'une épidémie de crises cardiaques puisse sévir sur les habitants de deux villages : Calignon et Robignon. Le hic est que ces décès sont suivis par d'autres, à un rythme de plus en plus soutenu. Une vraie hécatombe ! Qu'est-ce qui peut bien lier toutes ces victimes ? Peut-on à ce point mourir de peur alors que les victimes sont toutes dans la fleur de l'âge et en bonne santé ? Pourquoi ces disparitions suivent-elles un ordre bien particulier, comme si elles suivaient l'enchaînement des coups d'une partie d'échec ? Pourquoi le nom de Maxime, le Ravi, revient-il si souvent ? Il ferait un suspect idéal... s'il n'était pas déjà mort. La police mène l'enquête mais elle court plus souvent derrière les événements qu'elle ne peut anticiper le prochain coup.

Avec un malin plaisir, Hervé Sard déplace ses pièces sur l'échiquier et entortille son lecteur avec des portraits plus acérés, pleins d'humour – noir - les uns que les autres, pour mieux le perdre sur différentes pistes. Le lecteur se retrouve face à une énigme comme une souris enfermée dans une boite. On a beau revenir sur certains points, on sent qu'il y a une solution, mais on ne la trouve pas. On ne trouve pas la bonne combinaison, le déplacement de la seule pièce qui fera gagner la partie et découvrir le meurtrier avant la dernière page. C'est vraiment une sensation horrible car, de plus, on en oublie qu'il y a mort d'hommes. Une fois qu'elles sont tombées (comme des mouches), on oublie vite, trop vite les victimes. De quoi accentuer le malaise, le sentiment d'impuissance !!

Après Vice Repetita, l'auteur confirme son talent pour le polar noir et montre à nouveau qu'il en maîtrise bien toutes les règles.

Le rythme est effréné, tout pris que l'on est, comme les policiers, par le degré d'urgence de l'affaire. Le bémol que l'on pourrait peut être émettre est celui du choix d'un langage trop parlé, brut de décoffrage. Point de fioritures. ! Mais dans la panique de l'enquête, on voit mal un policier s'exprimer en vers ou un verbe beaucoup plus châtier.

Quant à l'arme du crime, elle peut être crédible, mais on aurai aimé une fin moins rapide. On aurai apprécié un tout petit peu plus que la lettre de l'assassin. Et comme dans Vice Repetita, on n'apprend que peu de choses sur le narrateur-inspecteur. M'enfin, il faut être beau joueur. On est bel et bel échec et mat avec cette histoire.

Suite à la discussion lors du salon du livre, un dernier petit mot pour Hervé avant de conclure. Le choix de la photo de couverture est finalement excellent !! ;-)

Maintenant, le supplice recommence. Il faut attendre le prochain roman. Vite, vite !!

Du même auteur : Vice repetita, La mélodie des cendres, Morsaline, Le crépuscule des gueux

Dédale

Extrait :

Pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour interpréter le haussement d'épaules de Sylvain : ma question lui chauffe les oreilles. Pour rester poli. Il ne répond pas, bougonne quelque chose d'incompréhensible. Nous embarquons à la hâte de la Clio toute neuve qui vient de nous être livrée, Sylvain au volant. Démarrage en trombe. A quoi bon ? Le mort ne nous attend pas. Mes neurones reprennent un peu de tenue. Robignon, Calignon... Deux bourgades qui n'ont de cesse de ses tirer dans les pattes depuis des générations. Ça doit remonter à la préhistoire. La guerre des boutons avant l'heure ! Robignon, chef-lieu de canton, fière de ses deux mille et quelques âmes et de son clocher classé, domine de ses six cent treize mères d'altitude la pâle Calignon, deux fois moins peuplée et ne pouvant s'enorgueillir que de son moulin du XVIIe. Une ruine qui « vaut le détour », selon le site internet de la mairie. Toujours été d'accord là-dessus. Elle vaut qu'on fasse le détour. Dans le sens « on ne s'y arrête pas ».

Sylvain a attendu d'être en fond de quatrième pour répondre à ma question :

« un rapport avec les autres ? Non ! Si ce n'est qu'ils ont fréquenté la même école, faisaient leurs courses aux mêmes endroits, se retrouvaient à la messe ou au bistrot régulièrement, ce genre de choses. Mais c'est le cas de tout le monde, par ici !
- Il était malade, ton julien ?
- Malade ? Pas que je sache. Un type sympa, en pleine forme, toujours partant pour la déconnade. La quarantaine épanouie, quoi. Il jouait au foot tous les dimanches. Gardien de but au RFC. Le Robignon Football Club, catégorie vétérans. Il a touché les cinq numéros plus le complémentaire au loto l'an passé. Pas de quoi en faire un refroidi. Deux gosses. Un troisième en route. Un mec en or. Si c'est pas triste..
- Sa femme ?
- Elle, je ne la mets pas dans le même paquet. Moi, les bonnes femmes... Vous prenez tout ce qui fait le charme du Julien et vous frabriquez une mégère à l'opposé. Ça vous donnera un aperçu. Le genre bobonne. Travaille pas, élèves ses mômes à coups de trique, va à l'église prier Sainte Nunuche dès qu'elle a cinq minutes. Vient d'une famille de douze enfants. Quand elle était petite, on l'appelait casse-bonbons. Ça ne s'est pas arrangé. Le bonbon, vous pouvez le manger. Mettez un truc qui commence par  « c » derrière le « casse », ça se rapprochera de la vérité ».

Quand Sylvain n'aime pas quelqu'un, ce n'est pas la peine de lui donner de l'élan pour qu'il le fasse savoir. Au moins, on sait à quoi s'en tenir.

mat à mort
Éditions Krakoen - 207 pages