Voici ce que nous dit la quatrième de couverture :

1806. Dans un Anglettre usée par les guerres napoléoniennes, un magicien à l'ancienne mode, Mr Norrell, offre ses services afin d'empêcher l'avancée de la flotte française. En quelques jours, les Anglais ont repris l'avantage. Norrell devient la coqueluche du pays. C'est alors qu'il fait la connaissance d'un jeune et brillant magicien, Jonathan Strange. Ensemble, les deux hommes vont éblouir l'Angleterre par leurs prouesses. Jusqu'à ce que l'audacieux Strange, attiré par les aspects les plus sombres de la magie, provoque la colère de Mr Norrell...

Pour commencer, sachez qu'arrivée à la page 230, je n'ai même pas atteint la fin de la première phrase du résumé... :-/ Je n'ai donc pas vu les Anglais reprendre l'avantage, ni même fait la connaissance de Jonathan Strange. 

Susanna Clarke a voulu adopter le style de l'époque où se déroule son récit, soit le XIXe. C'est effectivement à cette période que la littérature fantastique a pris son essor, et l'on pense notamment aux textes fondateurs tels "Frankenstein ou le Prométhée Moderne" de Mary Shelley ou "Le Vampire" de John William Polidori (encore qu'il y ait une sombre histoire de plagia avec un dénommé Byron... :-D mais ça, c'est un autre débat...).
On sait aussi que les auteurs romantiques aimaient se perdre en descriptions, plus ou moins longues (relisez Notre Dame de Paris, vous comprendrez à quoi je fais allusion... ;-) ).

En parlant de ce roman, Le Times Magazine écrivait : En mélangeant avec témérité la mythologie de la littérature fantastique et la comédie de mœurs à la Jane Austen, Clarke a créé une œuvre magistrale qui rivalise avec celle de Tolkien.

Bien qu'étant une fervente admiratrice et lectrice de la littérature fantastique du 19e je me suis ennuyée, voire endormie, tant la lenteur, supposée fidèle à l'écriture de ce siècle, m'a paru insurmontable. Il ne suffit pas de délayer une intrigue pour qu'elle soit "victorienne". À force de digressions, Suasanna Clarke a fini par me lasser tout à fait. Une chose notamment  m'a laissée perplexe : les notes de bas de pages, nombreuses, de l'auteure elle-même, prennent parfois 90 % de la page, le récit lui-même étant alors relégué à quelques misérables lignes en haut de page. Là, franchement, il faudra m'expliquer l'intérêt d'une note bas de page. A ce compte là, autant l'intégrer dans le récit...

Vraiment, ce fut une rencontre ratée. Peut-être un jour, si j'ai du temps à perdre, je ré-essaierai. Mais pour l'heure, je n'en éprouve aucune envie. Thom s'est montré tout aussi critique.

Laurence

... et le Pour

Angleterre, XIXème siècle.
La magie « anglaise » a disparu depuis plusieurs siècles, et avec elle son représentant le plus illustre : John Uskglass, connu sous le nom de Roi Corbeau. Réputé pour avoir amené la magie à son apogée, et gouverné plusieurs mondes, dont l'Angleterre. Son souvenir reste toutefois ancré de manière bien concrète dans les mémoires grâce aux routes et bâtiments construits sous son règne ainsi que les lois promulguées de son vivant et toujours en vigueur.
Gilbert Norrell se fait connaître par le gouvernement comme le dernier magicien en vie. Alors que tous les autres ne sont finalement que des historiens de la magie, il est, lui, un véritable praticien et ses actions vont permettre à l'Angleterre de relever la tête dans la guerre qui l'oppose à Napoléon.
Jonathan Strange, un jeune homme de bonne famille, s'installe peu après dans la demeure de Norrell pour devenir son élève, possédant lui aussi un talent certain pour la magie. Las, les deux magiciens ont des vues différentes sur l'étude et les applications magiques. Leur querelle ouvre une période de profonds changements pour l'Angleterre et bien peu y échapperont.
Parallèlement, un Garçon-Fée, le « Gentleman aux cheveux comme du duvet de chardon » s'applique à être l'instrument d'une ancienne prophétie du Roi Corbeau...

Voilà en quelques mots les composantes de l'intrigue.
Laurence m'a prêté ce fabuleux roman au mois de juin mais ma lecture a été interrompue par d'autres priorités. Du reste, le format poche ne me convenant pas, j'ai acquis l'édition en grand format, toute noire, qui est un magnifique objet en soi.

J'ai trouvé un roman dont le style m'a parlé dès les premières pages. Précis, fluide malgré de longues pauses narratives et pas mal de notes de bas de page (j'en conviens) mais qui s'amenuisent au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture. D'ailleurs, ces notes permettent une profondeur dans l'univers restitué par Susanna Clarke et une somme de références et précisions pseudo-historiques (les aventures du Roi Corbeau ayant vécu au XIVème siècle et les légendes qui y sont rattachées) tellement réalistes que parfois il serait tentant de rechercher certains détails sur Internet, ou quelques uns des ouvrages cités sur la magie, rien que pour le plaisir d'en caresser la couverture.

Je n'ai pas trouvé le nombre de pages si impressionnant pour un roman de ce genre. C'est plutôt un lot courant que d'avoir des titres en fantasy / fantastique dépassant les 500 pages (l'édition en grand format n'en compte que 850 finalement). D'ailleurs l'univers, à mon sens, en aurait pâti.

Tout au long du roman, le lecteur est amené à suivre les acteur de ce drame, parfois victimes muettes et incapables de se faire entendre (comme Lady Pole ou Mrs Strange), parfois conspirateurs (Vinculus, le Gentleman aux cheveux comme du duvet de chardon) sans toutefois en saisir tous les tenants et les aboutissants. Cet espèce de flou imprégnant tout l'univers de Susanna Clarke m'a séduit. L'histoire n'est pas linéaire, rien n'est acquis d'avance et les rebondissements font perdre pied parfois. Finalement certains personnages ont un côté très shakespearien, luttant contre un destin qui semble inéluctable (Strange et sa femme, Lady Pole, Vinculus, Stephen Blake) mais qui ne leur apporterai pas pour autant le bonheur auquel ils aspirent.
En ce sens, la fin est très représentative de cette vision et offre une perspective formidable pour la suite.

Pour Susanna Clarke, il s'agit d'un premier roman qui a mis une dizaine d'années à voir le jour. Et pour ma part c'est un chef-d'œuvre. Espérons simplement qu'il ne faudra pas attendre dix autres années pour le second volume...

Par Cœur de chene
le 14 septembre 2008

Jonathan Strange & Mr Norrell
Éditions Le Livre de Poche - 1 146 pages