En 2007, la Fédération internationale de la Croix-Rouge révélait que le nombre des catastrophes naturelles avait bondi de 60 % en dix ans. Sur la période 1997-2006, il a été recensé 6 806 désastres, contre 4 241 pour la décennie 1987-1996. Le nombre de morts a doublé, atteignant près d'un million deux cent mille victimes.
Tout porte à croire que le phénomène est exponentiel.
Le pire reste donc à venir.

Emmanuel et Peter DeVonck, un couple de chercheur français, ainsi que Ben, le frère d'Emma, sont contactés par François Gerland, un responsable de la Commission Européenne afin de faire la lumière sur un détournement de fonds et des manœuvres frauduleuses. Excités par le côté « aventure » ils répondent présent. Peut-être un peu trop vite.

En effet, tout ne se passe pas comme prévu.
Peter et Ben sont envoyés avec Gerland à l'Observatoire du Pic du Midi, tandis qu'Emma doit rejoindre une autre personne sur l'île de Fatu Hiva, en pleine Polynésie Française. Coupés les uns des autres, incapable d'établir une communication à cause du temps exécrable de chaque côté, les deux équipes se retrouvent livrées à elle-même.
C'est là que les découvertes s'accumulent.
Et que la peur arrive.

Le dernier roman de Maxime Chattam, un auteur que je ne présente plus et que j'admire toujours autant.
Je me suis plongé dans cette lecture avec voracité, c'est le cas de le dire, et je n'ai pas été déçu. Il s'agit encore une fois d'un excellent thriller comme Chattam les maîtrise et ça se sent.
Le rythme est là, toujours. La tension monte sensiblement presque à chaque paragraphe. Les révélations sont savamment dosées et les rebondissements arrivent à point nommé.
Un regret cependant, que les deux coups de théâtre majeur soient si repérables dans la structure du roman. On s'y attend un peu et c'est dommage. Mais ça ne gâche en rien la lecture.
J'ai adoré les personnages, ils deviennent attachants. Et à certains moments j'ai cru discerner un clin d'œil aux Quatre Fantastiques (notamment avec le personnage de Ben).

Et puis il y a cette fameuse théorie Gaïa, dont je ne parlerais pas sinon ça ôterai beaucoup à la lecture. Mais l'analyse qui est faite par le chercheur trouve un certain écho en moi et je suis assez d'accord sur quelques uns des points soulevés. Bien sûr, les moyens employés et la finalité de cette théorie ne me seyent guère... D'ailleurs, cette théorie ne m'étais pas inconnu. Elle était déjà plus ou moins évoquée (sans doute sous un autre nom, je ne me rappelle plus) dans un roman que j'ai lu il y a quelques années, un thriller écolo, Colère de Denis Marquet. Dont je recommande la lecture au passage ;)

Pour revenir à Maxime Chattam, j'ai eu confirmation à la fin de ce roman de ce dont je n'étais pas sûr. A savoir qu'il est la conclusion d'une trilogie baptisée Le Cycle de l'Homme comprenant Les Arcanes du Chaos et Prédateurs. Je vous laisse apprécier l'analyse de l'auteur sur ce cycle, qui peut-être comblera des lacunes et apportera des réponses (je pense à ceux qui avaient moyennement apprécié Prédateurs) :

Lorsque j'ai entamé la rédaction des Arcanes du Chaos, j'avais en tête trois histoires très différentes qui convergeraient vers le même but : dresser un portrait de l'Homo Sapiens moderne dans ce qu'il a de plus troublant, sans fard ni mensonge, cet Homo Entropius dont il est sujet ici. Les Arcanes m'ont permis de gratter le vernis historique, pour souligner la démence de quelques hommes prêts à tout pour le pouvoir, l'argent. Bien sûr, ce n'est qu'une fiction, quoique...
Avec le suivant, Prédateurs, c'est l'essence du crime qui m'a intéressé. De quoi sommes-nous tous capables, finalement ? La guerre des hommes, celle de l'intérieur.
Vous [allez] lire la conclusion thématique de cette réflexion. Évidemment, l'homme ce n'est pas que ça. Mais c'est aussi ça.
Bien sûr, nous pouvons nous rassurer en répétant : ce ne sont que des romans.

Du même auteur : Prédateurs, Les arcanes du chaos, Le sang du temps,Léviatemps

Par Cœur de chene

Extrait :

 Lorsqu'ils repartirent, le véhicule avait retrouvé le silence, et l'habitacle gagnait en chaleur. Peter, assis à l'arrière, se pencha vers son beau-frère :
- Où va-t-on ?
- Aéroport du Bourget.
- Alors, tu en sais plus que nous ?
Le jeune homme secoua la tête.
- Je comptais sur vous pour éclairer ma lanterne !
Ben avait ses cheveux noirs en bataille. Son piercing à l'arcade sourcilière et le bout de tatouage qu'on apercevait sur sa main et qui recouvrait en fait tout son bras droit lui donnaient plus l'air d'un surfeur que d'un scientifique. A vingt-sept ans il vivait en parfait célibataire, adepte de musique, de concerts et de voyages, convaincu que partager son quotidien avec quelqu'un était nuisible au développement personnel.
- Je vais vous dire, ajouta-t-il, j'ai accepté la proposition uniquement parce que ça ne ressemble à rien de ce que j'ai pu faire jusqu'à présent ! Le côté « type étrange qui m'appelle à vingt heures pour m'offrir une mission spéciale », j'adore ! On se croirait dans un film !
- Pareil pour nous, commenta Peter en riant.
Mais il n'y avait aucune joie dans ce rire. Rien que des interrogations. Le paysage défilait : périphérique déjà chargé, scintillant de globules rouges dans un sens et blancs dans l'autre. Autoroute A1 coiffée d'un halo de pollution brun, défilé des ponts, des panneaux, des enseignes lumineuses au sommet des talus. Artère de la civilisation encombrée jusqu'à la saturation. L'arrêt cardiaque guettait.
Peter scruta Ben dans le rétroviseur. Quelle sorte de recherche... vitale, semblait-il, pouvait nécessiter la présence d'un sociologue spécialisé dans la dynamique comportementale ? Il songea à sa femme : docteur en paléoanthropologie dont les hypothèses sur l'évolution faisaient scandale. Et enfin à lui-même : biologiste et généticien... Curieuse équipe. Sur un coup de tête ils avaient tous trois sauté sur l'occasion de sortir de leur train-train.
Mais que savaient-ils de tout cela ?
Urgence, répéta Peter in petto. Urgence comme... catastrophe


Éditions Albin Michel - 405 pages