Nous retrouvons donc dans World Without End notre charmant village de Kingsbridge, qui fut le décor des Piliers de la terre. Nous sommes en 1327, deux siècles après les événements des Piliers. Les personnages en place sont les descendants de nos héros favoris, Jack et Aliéna et Tom.
L’intrigue s’ouvre le 1er novembre de l’année 1327. Quatre enfants, Caris, Gwenda, Merthin et Ralph, se rendent dans les bois avoisinant Kingsbridge. Là, à leur grande stupeur, ils assistent à une dispute entre trois hommes, deux contre un. L’un d’entre eux, Sir Thomas Langley, tue les deux autres hommes. Son méfait accompli (en cas de légitime défense, certes, mais accompli quand même), il cherche refuge dans un monastère, où il devient moine, non sans avoir au préalable enterré une lettre sensée le protéger et fait promettre aux quatre enfants de tenir leur langue.

10 ans plus tard, on retrouve nos quatre amis. Ils ont grandi, ils sont sur le point de construire leur vie. Mais les malheurs les guettent. Le pont de Kingsbridge s’effondre, causant des centaines de mort parmi les habitants du village et coupant toutes les communications entre Kingsbridge et le monde extérieur. Sans pont, plus de marché. Sans marché, plus de revenus. Il est donc impératif de reconstruire le pont. Cette reconstruction va donc servir de point de départ à une nouvelle fresque historique magnifique et passionnante, à l’image des Piliers de la terre (et ce n’est pas peu dire !).

Commençons tout de suite par les points négatifs. Le gros reproche que j’ai envie de faire, c’est une certaine similarité au niveau de l’intrigue (du moins pour les 500 premières pages, après, c’est tout autre chose) ainsi qu’au niveau de la personnalité des protagonistes. Ainsi, pendant une bonne moitié du livre, j’avais l’impression de relire un peu les Piliers. Le nom des personnages est différent mais les personnalités que l’on avait découvertes dans les Piliers se retrouvent ici également : la femme aux mentalités en avance par rapport à l’époque, le jeune maçon doué, dont la compétence effraie les plus anciens, l’homme brutal et sans pitié qui cherche à blesser…
Heureusement, ce sentiment de déjà-vu s’est vite estompé quand l’intrigue a pris une toute autre direction. Et si j’avais tout de suite accroché à l’histoire et aux personnages, dès les premières pages et malgré ces similarités avec les Piliers, je me suis complètement laissé emporter dans une tout autre histoire une fois la moitié du roman dépassée. Au bout de 500 pages, l’histoire prend une autre ampleur, abandonnant le simple sujet de la construction pour aborder des sujets autrement plus passionnants et plus sérieux. La peste sévit dans le monde entier et peu de personnes y échappent. Hôpitaux, églises, prêtres, tous se retrouvent confronté à une maladie dont on ne sait rien et que l’on ne sait comment combattre. Ken Follet présente ici les deux approches que l’on avait de la peste à l’époque : d’un côté, il y avait les hommes d’église. Ceux-ci voyaient dans la peste un châtiment divin que l’on devait accepter avec humilité et qui devait débarrasser la terre des âmes impures. Face à eux, les médecins et infirmières refusaient de laisser mourir les pauvres gens sans même essayer de soulager leurs souffrances. Ils tentaient de faire comprendre à la population que l’on pouvait éviter la contamination avec des mesures d’hygiène simples et isolant les malades des personnes saines. Mais les hommes d’église criaient au sacrilège face à ses propos qu’ils jugeaient offensant pour le Seigneur. C’est un sujet passionnant, que Ken Follet traite avec la finesse et la minutie dont il fait preuve dans chacun de ses romans. Ici comme dans les Piliers, le travail de recherche effectué par l’auteur est visible et pour des néophytes en la matière tels que moi, il est difficile de trouver un élément qui ne semble pas plausible. Une fois encore, Ken Follet fait montre d’un talent incontestable.
D’autre part, l’auteur aborde également dans ce roman les procès en sorcellerie, courants à cette époque où l’on accusait facilement de sorcellerie les femmes qui avaient une connaissance approfondie des plantes, du corps et de l’âme des hommes. Cette accusation de sorcellerie pouvait représenter un excellent moyen de se débarrasser d’une femme. A l’époque, on était coupable tant qu’on n’avait pas prouvé son innocence et toute personne qui aidait une sorcière était également accusée d’hérésie. On comprend pourquoi personne ne venait au secours des malheureuses qui étaient traduites en justice pour des crimes aussi « faciles » à prouver que le commerce avec Satan ou la conversation avec les esprits ! Malheureusement, ce sujet si passionnant n’est qu’effleuré. J’aurais bien aimé que ces procès aient plus de place dans le roman. Je dois avouer être un peu restée sur ma faim.

Pour conclure, je dirais que World Without End est réellement un roman magnifique. Malgré les quelques reproches que j’ai à lui faire, c’est un livre que j’ai adoré et qui rejoint Les Piliers de la terre dans la catégorie des livres à lire et à relire. Ken Follet reste fidèle à lui-même et nous offre de nouveau une superbe fresque historique qui séduira tous ceux qui ont aimé Les Piliers de la terre. A bon entendeur !

Du même auteur : Les Piliers de la terre

Pimpi

Extrait :

‘We could go into the forest.’
Merthin was surprised. Children were forbidden to go into the forest. Outlaws hid there, men and women who lived by stealing. Children might be stripped of their clothes, or made into slaves, and there were worse dangers that parents only hinted at. Even if they escaped such perils, the children were liable to be flogged by their fathers for breaking the rule.
But Caris did not seem to be afraid, and Merthin was reluctant to appear less bold than she. Besides, the constable’s curt dismissal had made him feel defiant. ‘All right,’ he said. ‘But we’ll have to make sure no one sees us.’
She had the answer to that. ‘I know a way.’
She walked towards the river. Merthin and Ralph followed. A small three-legged dog tagged along. ‘What’s your dog’s name?’ Merthin asked Caris.
‘He’s not mine,’ she said. ‘But I gave him a piece of mouldy bacon, and now I can’t shake him off.’
They walked along the muddy bank of the river, past warehouses and wharves and barges. Merthin covertly studied this girl who had so effortlessly become the leader. She had a square, determined face, neither pretty nor ugly, and there was mischief in her eyes, which were a greenish colour with brown flecks. Her light-brown hair was done in two plaits, as was the fashion among affluent women. Her clothes were costly, but she wore practical leather boots rather than the embroidered fabric shoes preferred by noble ladies.
She turned away from the river and led them through a timber yard, and suddenly they were in scrubby woodland. Merthin felt a pang of unease. Now that he was in the forest, where there might be an outlaw lurking behind any oak tree, he regretted his bravado; but he would be ashamed to back out.
They walked on, looking for a clearing big enough for archery. Suddenly Caris spoke in a conspiratorial voice. ‘You see that big holly bush?’
‘Yes.’
‘As soon as we’re past it, crouch down with me and keep silent.’
‘Why?’
‘You’ll see.’


Éditions MacMillan - 1 111 pages / Éditions Robert Laffont - 1296 pages